Page:Les filles de Loth et autres poèmes érotiques, 1933.djvu/145

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Il allait, pour dormir, se coucher dans son antre,
Quand un jeune soldat du régiment des fous
Vint, d’un geste amical, lui taper sur le ventre :
« Holà ! mon vieux, dit-il, viens trinquer avec nous. »
Le vieillard, fièrement, levant sa noble tête :
« Qu’à recevoir son chef la légion s’apprête »,
Dit-il, « Je vais, soldats, vous chanter à mon tour,
« Un chant que vos aînés chantaient avec amour ;
« Je vais, puisque chacun doit donner son offrande,
« Du premier morpion vous dire la légende. »
Il dit. Et s’emparant d’un luth en poils follets,
Il donna fièrement carrière à ces couplets :


CHANT PREMIER

Quand Dieu, l’Esprit du Mal, eût enfanté le Monde,
Et pétri de sa sale main
L’homme, être malfaisant, être abject, être immonde,
Qu’il fit roi du pays d’Eden ;

Satan, l’Esprit du Bien, fut piqué de la chose :
« Holà ! dit-il, je suis maté ;
« Je suis mort, du moment qu’à ma barbe l’on ose
« Faire un acte d’autorité.

« Créons à notre tour et faisons concurrence
« À ce forban de Jéhovah !
« Le bougre a le prestige et moi j’ai la puissance :
« Lequel des deux triomphera ? »


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