Page:Les filles de Loth et autres poèmes érotiques, 1933.djvu/149

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Immortels ci-devants, Muses des temps passés,
Livrez, livrez ma verve à ses feux insensés !
Je ne sais quelle ardeur, quel démon me domine,
Mais je me sens dispos à faire une tartine.
À moi ! Déesse, à moi ! Je sais qu’on ne veut plus
De tes vers surannés, de ta robe fripée,
Ni de ce narcotique, inventé par Morphée,
Que depuis six mille ans nous versent tes élus :
Ce siècle en veut aux Dieux du temps jadis ! Qu’importe !
Je me laisse entraîner où mon sujet m’emporte.
Je n’ai pas, après tout, de vulgaires héros,
Braillards, paillards, vantards, bêtes comme des pots :
Achille irait à peine au talon de leur botte ;
Ils sont taillés à neuf, et ce n’est pas ma faute
Si, malgré moi, cédant à ma fougueuse ardeur,
Je me laisse enlever aux cieux en leur honneur.

Quand les Carthaginois, lassés par la victoire,
Vinrent prendre à Capoue, un repos mérité,
Ils lâchèrent la bride à leur brutalité,
Chantant, fumant, baisant, passant la nuit à boire
Et le jour à jouer, au rams ou l’écarté.
Le rams, assurément, est une bonne chose ;
L’amour n’est pas sans charme, au moins je le suppose,
Quant au vin, je puis dire, avec feu saint Matthieu,
Qu’il n’est pas de gaillard plus gai sous le ciel bleu.
Mais le plaisir sur terre a cela de stupide,
Que celui qui le tient ne peut s’en séparer :
À son brutal instinct, il lâche alors la bride
Et livre sa faiblesse à ce bonheur acide ;
Il s’en gorge et finit par se faire enterrer.


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