Page:Les filles de Loth et autres poèmes érotiques, 1933.djvu/153

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Mon âme s’est grillée au feu de la bamboche.
Hélas ! loin de m’avoir maintenant en mépris,
Je pourrais me tâter sans honte et sans reproche
Si, quand je me sentais des gros sous dans ma poche,
J’en avais acheté des paquets d’onguent gris !

Ô sacré talisman ! Ô pommade divine !
Sœur de l’insecticide et de la mort-aux-rats !
Que l’homme sera grand, le jour où tu pourras
Le purger à plaisir de toute la vermine
Et de tous les gêneurs qui règnent ici-bas !
Tu pourfendras alors l’insecte appelé Grue
Le morpion, chétif qu’on homme Cocodès,
Le pou sale et malsain qui rôde dans la rue
Et qu’on nomme Mouchard quand il n’est pas trop près.
Les joueurs de piano, les voleurs, les huissiers,
Et puis, sans négliger de brûler les registres,
Tu nous délivreras de tous nos créanciers ;
Et puis, enfin, s’il reste au fond de l’Amérique
Quelqu’oncle aux sacs dorés qui se porte trop bien,
Purge le Nouveau-Monde au profit de l’Ancien,
Et nous t’entonnerons un chant dithyrambique !
En attendant ce jour, modeste et sale onguent,
Au souple morpion jette un défi sanglant.
Regarde : le ciel brille et le jour vient d’éclore.
D’habitude, il m’est doux de voir lever l’aurore,
D’écouter vaguement jacasser les portiers
Et les garçons d’hôtel cirer les escaliers.
Mais, aujourd’hui, je songe au mal qui me ravage :
Trêve aux douces langueurs d’un rêve matinal !
J’ai laissé les portiers gazouiller leur ramage,
J’ai suspendu ma lyre aux saules du rivage


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