Page:Les filles de Loth et autres poèmes érotiques, 1933.djvu/154

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Et, d’un œil froid et sec, j’ai mesuré mon mal.
Mettant mon corps à nu du nombril à la cuisse,
J’ai préalablement laissé sur mes talons,
Comme au no 100, tomber mes pantalons.
D’une main, j’ai saisi l’instrument du supplice…
Mais encore un instant, ô mort suspends tes coups !
Contemplons leur sommeil si paisible et si doux,
Et faisons, à part nous, un discours salutaire
Sur la fragilité des choses de la terre !

Je n’ai jamais sondé les arcanes sacrés
D’où Dieu tira la vie et ses divins secrets.
Mais, entre nous, Messieurs, je le trouve un peu bête,
Lui, le bon Dieu, qu’on dit être une forte tête,
Lui qui nous a donné la vie et ses douceurs.
De souffrir, comme un gueux, sans logique et sans cœur,
Que de chacun de nous la fragile existence,
Qui, pour tout possesseur est une jouissance,
Soit un sujet de pleurs et de calamités
Pour les êtres qu’un sort fait naître à nos côtés.
Le ver vivait heureux s’ébattant dans la fange,
Mais le ciel a créé le crapaud qui le mange ;
Le hareng coulerait des jours clairs et sereins,
Mais il est pour orner la table des requins ;
Deux époux bien unis auraient des jours prospères,
Mais le ciel inventa contre eux les belles-mères.
Et vous, troupeau sacré, vous, crasseux morpions,
Qui vivez si joyeux autour de mes roustons,
Pourquoi faut-il qu’un jour, celui qui vous fit vivre,
En vous donnant la mort de vos dards se délivre ?
Et que votre hôte aimé goûte d’un œil content
La fin de vos plaisirs qui faisait ses tourments ?


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