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Les filles de Loth et autres poèmes érotiques, Bandeau de début de chapitre
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LA FEMME À BARBE


Quand le vilain paillasse eut fini sa parade,
J’entrai. Je vis alors debout sur une estrade
Une fille très grande en de pompeux atours
Que des gouttes de suif tachaient comme des larmes.
Roide ainsi qu’un soldat qui présente les armes
Elle avait le nez fort et courbé des vautours.
Elle était pourtant jeune — une barbe imposante
Lui couvrait le menton, noire, épaisse et luisante.
L’étonnement me prit, puis je voulus savoir !
Je l’invitai d’abord à dîner pour le soir.
Elle y vint, elle était habillée en jeune homme !
Un frisson singulier me courut sur la peau ;
La fille était fort laide et cet homme était beau.
Moi je m’assis en face un peu timide et comme
Si j’allais me livrer à quelque accouplement
Monstrueux… Je sentais me venir par moment,
Regardant cette fille aux formes masculines,
Un besoin tout nouveau de choses libertines,
Des curiosités de plaisirs que l’on tait,
Et des frissons de femme à l’approche du mâle.
J’avais la gorge aride et mon cœur palpitait ;
Je me vis dans la glace et me trouvai très pâle ;
Ces malsaines ardeurs me troublaient malgré moi.
Elle but comme un homme et se grisa de même ;
Et puis jetant ses bras à mon cou ! — Viens je t’aime
Mon gros chéri, dit-elle, allons-nous-en chez toi.


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