Page:Les illégalités et les crimes du Congo, 1905.djvu/51

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faut pour manger et on ne sait pas bien le préparer ; on ne connait pas les ressources indigènes parce qu’on pêche par l’éducation scientifique ; on s’empoisonne quelquefois en croyant manger une plante indigène que l’on croit comestible et qui est vénéneuse, il y a encore les accès paludéens, les coups de soleil, qui influent considérablement sur la mentalité. Mais il faut retenir surtout le paludisme. Presque tous les Européens paient leur tribut à cette redoutable infection : il a été observé fréquemment au cours ou après des accès palustres, des perversions mentales, de la mélancolie, des accès de colère, des terreurs, des hallucinations. Ces troubles psychiques s’accentuent encore lorsque d’autres infections graves telles que la tuberculose et la syphilis viennent s’associer au paludisme et celle dernière, je vous prie de le croire, ne manque pas aux colonies.

Toutes ces causes réunies et combinées provoquent une déchéance continuelle et fatale de l’Européen qui se gradue par des abus d’autorité, puis des violences, des sévices, enfin, presque inconsciemment des crimes. C’est cet état particulier que j’ai dénommé « Criminalisme colonial » ; le colonial ne s’aperçoit pas lui-même de sa chute et il se trouve parfois tout étonné d’avoir tué quelqu’un sans l’avoir positivement voulu. Le malheur est que quand il l’a fait une fois, il recommence et, alors, souvent sciemment.

J’ai étudié ces états mentaux, je les trouve pitoyables, tristes, lamentables, mais ils existent : rien ne sert de chercher à les nier.

La proportion de criminalisme colonial est effrayante. Je l’ai évaluée en tenant compte du mauvais recrutement, des dettes (cette plaie des coloniaux), de l’alcoolisme, de la syphilis et du paludisme, je l’ai évaluée, dis-je, aux sept dixièmes des coloniaux français. J’évalue le nombre de ceux qui se sont arrêtés à un des stades du criminalisme, par exemple à l’abus de pouvoir, aux violences, ou sévices, aux cinq dixièmes ; par conséquent je laisse une part de deux dixièmes pour la véritable criminalité. C’est une proportion effrayante, j’en conviens, mais je ne la crois pas inférieure ; je ne l’ai pas vue inférieure.

En élargissant le débat, voyez quelles conséquences