Page:Les illégalités et les crimes du Congo, 1905.djvu/67

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Je fus certainement le seul à m’alarmer ce jour-là.

Il faut vous dire, pour vous faire comprendre mes scrupules, qu’après avoir été arabophile en Afrique, j’étais devenu canaquophile en Océanie. Dès lors, il était naturel que je visse tout un programme dans le passage des Colonies au Commerce : celui de l’exploitation de l’indigène par le pouvoir absolu au profit de l’argent.

J’avais vu juste.

C’est à ce moment-là, en effet que, dans les milieux gouvernementaux, on entendit parler de Colonies à chartes, — de concessions par millions d’hectares !! Dupleix était à la mode.

Je songeais, moi, à Warren Hastings.

Donc, le Congo fut loti en lambeaux immenses ; et ces lambeaux, concédés à des capitaux anonymes.

Et on s’étonne des crimes actuels, qui nous déshonorent dans toutes nos possessions d’Afrique !!

Ils sont un produit du système ; et les poursuites contre Gaud et Toqué sont, en réalité, des illogismes.

Revenons aux budgets familiaux des bons sauvages, dont je m’inquiétais au milieu des colons, et au grand scandale de ces derniers. Eh bien ! Le budget d’une famille canaque est de quelques francs. Et celui d’une famille congolaise aussi.

Lâchez au milieu de ces populations misérables des traitants… donnez à ces traitants Chanoine pour éclaireur… et Toqué pour grand chef civil : que se passera-t-il, je ne dis pas, possiblement, je dis nécessairement ?

Chanoine voudra de l’avancement dans la Légion d’honneur et le grade. Pour arriver à ses fins, il a besoin de gloire. — Imaginez qu’il tombe dans la plus pacifique des tribus, et qu’elle le reçoive les bras ouverts. Ce ne sera pas là le compte de Chanoine : il lui faut des faits de guerre.

Comptez-vous sur les scrupules de sa conscience ; et vous imaginez-vous que les faits de guerre lui manqueront longtemps ?

Passons, maintenant, au grand chef civil, et disséquons sa psychologie. — Il y a deux camps d’administrés. Un camp de nègres qui ne sont pas électeurs ; qui sont sans influence au ministère, par conséquent ; quantité négligeable, s’il en fut jamais