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XLII.


Luth fidelle confort en mes aigres douleurs,
Seul fidelle tesmoing de mes peines souffertes,
Que pour mes passions tristement descouvertes,
J'ay fait en soupirant accompagner mes pleurs.

Plaignons ore à l'enuy le cours de mes mal-heurs,
Perennisant l'ardeur de mes flames couvertes,
Par qui du Laurier saint les fueilles tousjours vertes
Pourront ceindre mon front sous tes douces faveurs.

Le Thebain des rochers sceut esbranler la masse,
L'autre eprit les poissons, & la harpe de Trace
Charma des creux enfers le pallissant troupeau.

De l'immortalité faisons donc un trophee,
Affin que dedaignant la Parque & le tombeau,
Je sois tel qu'Amphion, qu'Arion, & qu'Orphee.


XLIII.


De la sime des monts les fiers torrens se roullent,
Quand les neiges font place aux tresors du printemps :
Des fontainieres eaux s'engorgent les estangs,
Et leurs calmes ruisseaux par les plaines descoulent.

Les troupeaux amoureux les fleurs à bonds refoullent,
Les pasteurs font leur bal heureusement contens,
Les glacez Aquilons s'enserrent pour un temps,
Et de l'humeur d'en bas les Pleiades se soullent.

De mes yeux languissants descourent deux torrens,
Ma playe fait de sang un estang par dedans,
Qui regorgeant se creve & s'espand dans mes veines.

Les Amours animez foullent mes jeunes ans,
Mes soupirs cessent bien, mais ses astres ardents,
Sans fin tirent mon ame & influent mes peines.