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XLIIII.



Helas donnez moy treve ô mes pensers ardens,
N'est-ce assez que l'Amour, le Ciel, & la Fortune,
Bastissent en mon sein une place commune,
Pour d'un cruel accord me combatre dedans.

O cueur traistre à moy seul, par qui les soings mordans
Enfantent le penser qui cruel m'importune,
Appresteras-tu l'heure & la voye opportune,
Au destin dont je sens les effects discordans.

En toy seul des Amours la tourbe se retire,
Le Ciel verse dans toy tout ce qu'il a de pire,
Et la fortune en toy grave un dur souvenir.

Si l'Amour & le Ciel triumphent de ma gloire?
Si les tristes pensers sont fils de la Memoire?
N'es-tu pere des maux qu'ils me font soustenir.


XL.



Je suis las de penser que ma triste pensee,
De tant de vains pensers ne courbe sous le fais :
Je suis las de penser qu'aux soupirs que je fais,
Mon ame loing de moy d'un sanglot n'est lancee.

Qu'en pensant aux beautez dont elle est offencee,
Au bel œil, au beau poil, aux gracieux atraits,
Au sousris, au discours, aux genereux effects,
Elle n'erre imitant la Thyade insensee.

Que mes pieds de pas vains ne sont ore agravez,
Que mon cueur n'est dissous de tant de coups gravez,
Et ma plume ou ma voix usez sous tes louanges.

Mais amour me fait voir que mon heureux penser,
Et mon ame, & mon cueur, ne peuvent s'offencer
D'adorer un object qui est digne des Anges.