Page:Les oeuvres poétiques de Clovis Hesteau de Nuysement 1578.pdf/135

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XCIIII.



Helas helas pourquoy les Dieux t'ont ils fait telle,
Qu'il semble que les eaux s'arrestent pour te voir :
Qu'il faille que les bois puissent appercevoir,
Ce qui malgré les ans te peut rendre immortelle ?

Pourquoy t'ont-ils donné une beauté si belle,
Pourquoy t'ont-ils cedé sur eux tant de pouvoir,
Qu'un accent de ta voix qui les peut esmouvoir,
Fait que chaque rocher espris d'aise sautelle?

Pourquoy t'ont-ils donné tant d'effects merveilleux,
Ou pourquoy m'ont-ils fait si foible & mal-heureux,
Puis qu'ils m'avoient creé pour te faire service ?

Las je ne puis sacvoir la cause du meschef,
Fors qu'ils ne pensoient pas enclorre dans ton chef,
Comme ils ont à ma perte un amas de malice.


XCV.



Helas cher DU PLESSIS si la Parque felonne,
Aguisant contre moy ses cousteaux meurtrissans,
Vient trancher sans mon sceu le fillet de mes ans :
Ainsi qu'à tous mortels la Nature l'ordonne.

Honore mon tombeau d'une verte couronne
De Laurier immortel, & de deux beaux croissans
De roses, & d’œillets, & de lys blanchissans :
Tesmoings de la rigueur de ma fiere Bellonne.

Esleve aux quatre coins de mon heureux tombeau,
Quatre Nymphes de Bronze, ou de marbre plus beau,
Qui tesmoignent l'ennuy que ma mort leur apporte.

Ja desja j'apperçoy maint passant estranger,
Qui pour scavoir ce dueil à toy se vient ranger :
A tous il te faudra respondre en telle sorte.