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XCII.



La Nature a donné les cornes aux Taureaux,
Aux Sangliers les crochets, aux Lievres la vistesse,
Aux Serf, & au Cheval, une pompte allegresse,
Et pour voler par l'air les plumes aux oiseaux.

L'industrie aux poissons de nager sous les eaux,
Au Serpent l'esguillon, au Renard la finesse,
A l'homme la grandeur, le courage & l'adresse,
Les griffes aux Lions, l'escorce aux arbrisseaux.

Mais la femme estant foible, timide, & nue,
D'une rare beauté l'a seulement pourveue,
Qui est le seul pavois, le brandon, & le fer,

Dont elle se deffent, elle embrase, elle blesse,
Tellement que son front, son œil, sa blonde tresse,
Peuvent faire changer le haut Ciel à l'enfer.


XCIII.



Lors qu'espris de ce feu l'infortuné Leandre,
Malgré les Aquilons fendoit le fil de l'eau :
Guidé de la clairté du nocturne flambeau,
Que pour certain signal Hero luy souloit pendre,

Forcea tant les destins que sa jeunesse tendre,
Eut pour ne choisir pas le temps serain & beau :
Le feu pour luminaire, & la Mer pour Tombeau,
Et pour lict le rivage ou on le veit estendre.

Mon flambeau cest ton œil plein de douce fureur,
Mon tombeau sont mespleurs tesmoings de la douleur,
Que je sens nuict & jour pour tes beautez divines.

On le veit palle & froit pres la tour Cestienne,
On me verra transi pres de l'image tienne,
Sur un lict parsemé de chardons & d'espines.