Page:Les oeuvres poétiques de Clovis Hesteau de Nuysement 1578.pdf/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

VIII.



Si tu as sur le flanc un cor & une lesse,
Si dans ta belle main tu tiens un arc Turquois,
Et si tu pens au col, plein de traits, un carquois,
Chacun te cuidera la vierge chasseresse.

Mais si tout ce harnois en un coin se relesse,
Et qu'un tuyau de signe enserré de tes doigts,
Trace sur le papier les traits que tu conçois :
Chacun te nommera l’invincible Deesse.

Puis pressant un beau luth sur ta blanche poictrine,
On te dira des sœurs de la troupe divine :
Bref soit que sur ton flanc,sur ton dos, en ta main,

Arc, lesse, cor, carquois, plume, & luth tu assembles :
Nul ne te jugeras estre du genre humain,
Car à ces Deitez, seulement tu ressembles.


IX.



Œil bel œil, ornement des hommes & des dieux,
Œil qui ciel, terre, & mer, d'un seul clin illumine :
Œil duquel ce grand œil qui luit par la machine,
Emprunte chacun jour ses beaux feus radieux,

Œil qui peux rendre clairs les enfers tenebreux,
Œil sous qui nuict & jour par l'obscur je chemine,
Œil qui peux asservir toute grandeur divine,
Par l'esclair enchanté d'un rayon gracieux :

Œil bel oeil qui bruslez & nourrissez mon ame,
Œil bel oeil qui dardez mainte amoureuse flame :
Au plus profond de moy esgarant ma raison,

Si vous m'avez blessé servez moy d'un Achille,
Si estes mon venin d'un scorpion utile,
Faisant naistre en mon mal ma propre guarison.