Page:Les oeuvres poétiques de Clovis Hesteau de Nuysement 1578.pdf/94

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XII.


O Dieux que sens-je en moy, si je ne sens Amour?
Qi c'est luy que je sens, quel peut estre son estre?
S'il est bon, d'ou provient le mal que je sens naistre?
Sinon qui me contraint le cercher nuict & jour?

Si je brusle à mon gré, qui trouble mon sejour?
Sinon, qui me fait or l'avouer pour mon maistre?
O doux fiel, vive mort, par vous j'ay peu cognoistre :
Que l'heur & le mal-heur, nous virent tour à tour.

Si je suis censentant, à tort je me lamente,
Dedans ma fraisle nef sur la mer violante :
Sans mast, sans gouvernail, sans astre, & sans fanal.

En ces extremitez de toute raison vuide,
Surmonté de l'erreur : qui sera meilleur guide,
Ou la rage, ou l'espoir, à mon bien, ou mon mal.


XIII.



Amour pour foudroyer les hommes & les Dieux,
Non du feu dont Vulcan en sa caverne basse,
Le tonnerre sifflant sur son enclume amasse :
Ainsi d'un autre incogneu au monde spacieux.

Ardantement jaloux de voir que des hauts Cieux,
De son bras rougissant Jupiter seul terrace,
Le sommet des rochers qui le contremenace :
Rabaissant leur orgueil d'un esclat furieux.

Dans mon chaut estomac il feit une fournaise,
Il prist vostre froideur, & ma cuisante braise,
Les rayons de voz yeux, mes souspirs, & mes pleurs :

Et du tout mis ensemble il forgea son tonnerre,
Ses esclairs, ses nuaux, pleins d'eaux, vents et chaleurs,
Dont ore hommes & dieux foudroyant il atterre.