Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/114

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actuellement de la même manière des gardes d’épées, de poignards, de couteaux, et de tout instrument que l’on veut richement décorer et garnir. On opère de la manière suivante. On travaille le fer en creux et à coups de marteaux on y frappe l’or, après avoir fait tout d’abord une incision ou trait de lime fin, en sorte que l’or pénètre dans les fentes et y adhère entièrement. On trace également des contours, des feuillages et d’autres volutes, et l’on y force des fils d’or passés à la filière, en les frappant au marteau, de sorte qu’ils restent fixés comme il a été dit ci-dessus. Il faut, cependant, tenir compte que les fils soient plus gros et les canaux plus étroits, en sorte que les fils y restent mieux forcés. Quantité d’artistes éminents ont produit des œuvres dignes d’éloges dans ce genre, et qui, en effet, sont extrêmement estimées. Aussi n’ai-je pas voulu manquer de faire mention de cet art, qui est un genre d’assemblage, et qui, relevant à la fois de la sculpture et de la peinture, est donc une œuvre qui dérive du dessin.


Chapitre XXI. — Des gravures sur bois, de la manière de les faire, et quel est leur premier inventeur ; comment avec trois planches on tire des gravures qui paraissent dessinées, et rendent la lumière, l’intermédiaire et les ombres.


Le premier inventeur des gravures sur bois en trois planches, pour rendre, outre le dessin, les ombres, les intermédiaires et les lumières, fut Ugo da Carpi. Celui-ci, en imitation des gravures sur cuivre, reproduisit leur procédé, en gravant sur des planches de poirier et de buis, qui sont des bois excellents pour ce travail, bien préférables à tous les autres. Il fit ses gravures en trois planches. Sur la première, il porta les profils et les traits de tous les objets ; sur la deuxième, tous les tons voisins du profil, avec une teinte d’aquarelle pour l’ombre ; sur la troisième, les lumières et le fond, laissant le blanc du papier pour les lumières, et teintant le reste pour le fond. Cette dernière planche qui porte la lumière et le fond, se fait de la manière suivante : on prend une épreuve tirée avec la première planche, où sont tous les profils et les traits, et, toute fraîche, on la pose sur la planche de poirier ; puis, en la chargeant avec d’autres feuilles qui ne soient pas humides, on frotte dessus de manière que la feuille qui est fraîche laisse sur la planche la trace de tous les profils des figures. Le peintre prend alors de la céruse à la gomme, et rend sur le poirier les lumières ; quand elles sont faites, le graveur les grave avec ses outils, selon qu’elles sont indiquées. Cette planche est celle qu’on emploie la première, parce