Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/118

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ligences, le dessin, dis-je, eut sa perfection infinie, devançant l’origine de toutes les autres choses, quand le Dieu suprême, ayant créé le grand corps du monde, et orné le ciel de ses lumières les plus étincelantes, descendit en esprit, plus bas, dans l’air limpide et dans la terre solide, et, créant l’homme, donna, avec la délicate invention des choses, la première forme delà sculpture et de la peinture. C’est de ce premier homme ensuite peu à peu (et l’on ne saurait dire le contraire), comme d’un modèle certain, que furent tirées les statues et les sculptures, ainsi que la difficulté des attitudes et des contours. Il en fut de même des premières peintures, quelles qu’elles fussent, en ce qui concerne le moelleux, l’union et l’harmonie des contrastes que font les lumières avec les ombres. Ainsi donc, le premier modèle, d’où sortit la première image de l’homme, fut une masse de terre, et non sans raison, parce que le divin Architecte du temps et de la nature, étant absolument parfait, voulut montrer dans l’imperfection de la matière le moyen d’en enlever et d’en ajouter. C’est de même qu’agissent habituellement les bons sculpteurs et les bons peintres, qui, ajoutant et retranchant à leurs modèles, amènent leurs ébauches imparfaites au degré de fini et de perfection qu’ils veulent.

Dieu donna à l’homme une grande vivacité de couleurs dans ses chairs, ce qui inspira ensuite la peinture à extraire ces mêmes couleurs des entrailles de la terre, pour reproduire tous les objets qui entrent dans les sujets à peindre. On ne peut tout de même pas affirmer d’une manière certaine que les hommes, avant le Déluge, aient produit des œuvres dans ces trois arts, en imitation d’aussi belles choses, bien qu’on puisse vraisemblablement admettre que de toute manière ils aient peint et sculpté.

Bélus, en effet, fils du superbe Nembrot, environ deux cents ans après le Déluge, fit faire la statue dont naquit ensuite l’idolâtrie. Sa belle-fille, Sémiramis, reine de Babylone, quand elle éleva cette cité, dressa, parmi ses monuments, non seulement diverses espèces d’animaux représentés et peints au naturel, mais encore sa propre image, et celle de Ninus, son mari, ainsi que les statues en bronze de son beau-père, de sa belle-mère et de son arrière belle-mère, selon que le rapporte Diodore de Sicile, leur donnant les noms grecs (les Grecs n’existaient pas encore), de Jupiter, de Junon et d’Ops. C’est de ces statues que les Chaldéens apprirent par aventure à faire les images de leurs dieux. Cent cinquante ans après, Rachel, fuyant de Mésopotamie avec Jacob, son mari, enleva les idoles de Laban, son père, ce que raconte ouvertement la Genèse.