Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/123

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esprit extrêmement pur, pour exemple l’admirable modèle du monde, ont trouvé en eux-mêmes l’origine de ces arts si nobles, et, partant d’un petit début, peu à peu les ont améliorés, et finalement les ont conduits à perfection ? Je ne veux pas nier pour cela que l’art ait été un moment à son début ; je sais fort bien qu’il est nécessaire qu’il y ait un commencement, et qu’il soit provoqué par quelqu’un. Il est bien possible d’ailleurs que l’un ait aidé l’autre, enseignant et ouvrant la voie au dessin, à la couleur et au relief, parce que notre art est principalement l’imitation de la nature, et ensuite ne pouvant pas de lui-même atteindre si haut, l’imitation des œuvres de ceux que l’on juge plus grands maîtres que soi. J’affirme toutefois que vouloir dire avec précision que tel ou tel ait été le créateur est une entreprise périlleuse, et peut-être bien inutile à connaître, parce que nous voyons la vraie souche et origine là d’où elle sort. De toutes les œuvres qui sont la vie et la gloire des artistes, les premières en date, puis peu à peu les deuxièmes et les troisièmes furent détruites par le temps qui consume toute chose. Comme il n’y avait pas alors d’écrivains, elles ne purent pas, par ce moyen, être connues des générations ultérieures, et les noms des artistes eux-mêmes leur restèrent inconnus. Du jour où les écrivains commencèrent à mentionner les choses antérieures à leur époque, il ne purent parler de celles-ci, puisqu’ils n’avaient pu en avoir connaissance, en sorte que les premières pour eux furent celles dont la mémoire était encore vivante. De même, le premier des poètes, de l’avis général, est, dit-on, Homère, non pas qu’il n’y ait pas eu de poètes avant lui (bien au contraire, il y en eut d’excellents, et cela se voit clairement dans ses œuvres propres), mais de ces poètes primitifs, quels qu’ils fussent, toute connaissance était perdue depuis plus de deux mille ans. Aussi, laissant de côté ce point trop incertain à cause de son antiquité, nous en viendrons à des choses plus claires, et nous parlerons de leur perfection, de leur ruine, de leur restauration, ou pour mieux dire de leur renaissance, toutes choses dont nous pouvons discourir avec plus de fondement.

V. — Je dis donc qu’il est avéré que l’art commença tard à Rome, puisque les premières statues furent, dit-on, l’image de Cérès fondue en métal avec les biens de Spurius Cassius, lequel fut tué par son propre père, qui n’écouta pas la voix du sang, parce que son fils intriguait pour se faire nommer roi. Les arts de la sculpture et de la peinture continuèrent à fleurir, jusqu’à l’extinction des douze Césars, mais non pas avec cette perfection et cette bonté qu’ils offraient auparavant. On voit dans les édifices qu’élevèrent les empereurs, succédant l’un à