Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/143

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compositions, il s’affranchit du joug de la vieille manière, traitant ses figures et ses draperies avec un peu plus de vivacité, de naturel et de souplesse que les Grecs, si raides et si secs, aussi bien dans leurs peintures que dans leurs mosaïques. Cette manière dure, grossière et plate, était le fruit non de l’étude, mais d’une routine, que les peintres d’alors se transmettaient l’un à l’autre, depuis nombre d’années, sans songer jamais à améliorer le dessin, par la beauté du coloris ou une invention qui fût bonne.

Appelé ensuite par le père gardien qui lui avait fait faire son premier travail à Santa Croce, il exécuta pour lui le grand crucifix en bois qu’on voit encore en place dans l’église[1]. Cette œuvre fut cause que le gardien, estimant avoir été bien servi, le conduisit à Pise, à San Francesco, couvent de son ordre, pour y peindre un tableau représentant saint François, qui fut regardé comme un chef-d’œuvre[2]. On y reconnaissait un certain degré de bonté dans la tête du saint et les plis des draperies, que personne jusqu’alors, travaillant dans la manière grecque, n’avait atteint, non seulement à Pise, mais encore dans toute l’Italie. Il fit ensuite, pour la même église, une Vierge tenant l’Enfant Jésus et entourée d’anges sur fonds d’or[3]. Ce tableau de grandes dimensions fut, peu après, enlevé de sa place primitive, lorsqu’on construisit l’autel de marbre qui existe à présent, et transporté à l’intérieur de l’église, à gauche de la porte d’entrée. Pour cet ouvrage, Cimabue fut comblé d’éloges et largement récompensé par les Pisans. Il peignit également dans leur ville, à la demande de l’abbé de San Paolo in Ripa d’Arno, un petit tableau représentant une sainte Agnès, dont le cadre est entouré de petits épisodes de la vie de cette sainte[4]. Ce tableau est actuellement sur l’autel de la Vierge, dans cette église.

Tous ces travaux ayant rendu grandement célèbre le nom de Cimabue, il fut appelé à Assise, petite ville de l’Ombrie[5]. En compagnie de quelques peintres grecs, qu’il laissa bien loin derrière lui, il peignit, dans l’église inférieure de San Francesco une partie des voûtes, et sur les murs la vie de Jésus-Christ et celle de saint François. S’enhardissant ensuite, il commença, sans aucun aide, à peindre à fresque l’église supérieure. Sur les quatre parois de la grande tribune, au-dessus

  1. N’existe plus. Celui qu’on montre dans la sacristie n’est pas de Cimabue.
  2. Les peintures faites par Cimabue à Pise n’existent plus.
  3. Actuellement à Paris, au Musée du Louvre.
  4. N’existe plus.
  5. La part de Cimabue dans les peintures d’Assise n’est pas très bien établie. (Voir Crowe et Cavalcasene.) Il se fit certainement aider par ses élèves.