Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mains ne produisirent pas de travail à détrempe plus parfait. Il en résulta que le pape, s’estimant bien servi, lui fit donner 600 ducats d’or en paiement et le combla de tant de faveurs que le bruit s’en répandit par toute l’Italie. Le pape ensuite, estimant infiniment la manière de Giotto, voulut qu’il peignît tout le pourtour de Saint-Pierre de sujets tirés de l’Ancien et du Nouveau Testament. Giotto commmença donc le travail et fit à fresque l’ange haut de sept brasses qui est sur l’orgue, ainsi que d’autres peintures qui ont été ou restaurées par d’autres de nos jours ou détruites dans la construction de la nouvelle église. Il est aussi l’auteur de la Navicella en mosaïque[1], qui est au-dessus des trois portes du portique de Saint-Pierre, et qui est justement admiré de tous les beaux esprits. Outre la beauté du dessin, en effet, il y a la disposition des Apôtres, qui luttent en diverses manières contre la fureur de la mer, tandis que les vents enflent une voile, laquelle est rendue avec tant de relief qu’une toile véritable ne serait pas plus naturelle, il est merveilleux d’avoir rendu avec des morceaux de verre les contrastes que l’on voit entre les blancs et les ombres d’une si grande toile, ce qu’on obtiendrait difficilement avec le pinceau. On voit de plus un pêcheur à la ligne, placé sur un rocher, qui montre par son attitude la patience extrême nécessaire à cet acte, de même que son visage reflète l’espérance et le désir de prendre du poisson. Sous cette œuvre, il y a trois arcs peints à fresque, mais je n’en dirai rien, parce que ces peintures sont ruinées pour la plus grande partie. Ayant peint sur un panneau, à la Minerva, église des Frères Prêcheurs, un grand crucifix en détrempe, qui fut alors très loué[2], Giotto revint dans sa patrie, qu’il avait quittée depuis six ans. Peu après, Clément V, ayant été élu pape à Pérouse, après la mort de Benoît XI, transporta le Saint-Siège à Avignon[3], et Giotto fut forcé d’y aller, pour faire quelques travaux[4] ; il y exécuta donc, ainsi que dans plusieurs autres villes de France, une foule de tableaux et de peintures à fresque, œuvres merveilleuses qui plurent extrêmement au Saint-Père et à tout

    Pierre. (Commandé en 1298 par le cardinal Stefaneschi, qui y est représenté, pour la somme de 500 florins d’or.)

  1. Commandée par le cardinal Stefaneschi en 1298, en même temps que le tableau de la sacristie ; complètement restaurée. — Il reste encore, à Saint-Jean-de-Latran, un portrait du pape Boniface VIII, entre deux personnages, peint par Giotto sur un pilastre de l’église.
  2. N’existe plus.
  3. En 1305.
  4. Voyage en France controuvé. Giotto fut appelé à Avignon, après 1334, par le pape Benoît XII, pour peindre l’histoire des martyrs dans le palais pontifical, mais la mort l’empêcha de s’y rendre.