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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/217

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ayant employé uniformément cet ordre défectueux. Il suivit donc, pour moins choquer la vue, l’ordre tenu par les autres. Sur la paroi intérieure, et au-dessus de la porte principale du Campo Santo, il peignit à fresque une Assomption[1], au milieu d’un chœur d’anges qui chantent et jouent de divers instruments, dans les attitudes variées que les musiciens ont l’habitude de prendre, comme d’écouter s’ils sont dans le ton, d’ouvrir la bouche de diverses manières, ou bien de lever les yeux au ciel, de gonfler les joues, de rentrer le menton, en somme on y remarque tous les actes et les mouvements inhérents à la musique. Au-dessous de cette Assomption, Simone représenta, dans trois cadres, quelques épisodes de la vie de San Ranieri de Pise[2]. Dans le premier, tout jeune, il fait danser, au son du psaltérion, quelques belles jeunes filles, remarquables par leurs figures et par leur habillement conforme au goût du temps. À côté, on le voit, la tête basse et les yeux rougis de larmes, écoutant les sévères remontrances de l’ermite Beato Alberto, et se repentant de son péché, tandis que, dans les airs. Dieu, environné d’une lumière céleste, semble lui accorder son pardon. Dans le deuxième cadre, Ranieri, voulant distribuer son bien aux pauvres, avant de s’embarquer, est entouré par des indigents, des estropiés, des femmes et des enfants qui lui tendent les mains et le remercient affectueusement. À côté, le saint vient de recevoir dans le temple le manteau de pèlerin, et se tient, devant la Sainte Vierge, entourée d’anges, qui lui apprend qu’il reposera dans son sein, à Pise. Toutes ces figures ont vivacité et grand air. Enfin, dans le troisième cadre, Ranieri est représenté de retour, après sept années de séjour outre-mer, et montrant qu’il a fait trois quarantaines en Terre Sainte. A côté, il est tenté par le démon, pendant qu’il est dans le chœur d’une église à écouter l’office divin ; mais le saint le repousse avec fermeté, et le vieil adversaire du genre humain est forcé de se retirer, couvert de confusion et de honte, le visage caché dans ses mains et les épaules serrées. On lit sur une bande qui lui sort de la bouche : « Je n’en puis plus !» Enfin, et toujours dans le même cadre, on voit Ranieri agenouillé sur le Mont Thabor, voyant miraculeusement le Christ dans les airs, entre Moïse et Élie. Toutes ces œuvres, et d’autres que je passe sous silence, montrent que Simone fut un artiste extrêmement original, et qu’il entendit parfaitement la manière de composer en usage à cette époque.

  1. Existe encore, attribuée aussi par Vasari à Stefano.
  2. Ces fresques existent encore. Attribution contestée. Elles furent achevées en 1377 par Andrea da Firenze, et, en 1380, par Barnaba da Modena.