Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/229

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représenté par un beau jeune homme, qui a chaperon bleu enroulé autour de la tête et tient un épervier sur le poing ; auprès de lui sont d’autres seigneurs de cette époque, dont on ignore le nom. En résumé, il représenta avec beaucoup d’art, dans cette première partie, toutes les voluptés du monde, et sut concilier les exigences de l’art avec les convenances dues à la sainteté du lieu. De l’autre côté de la même composition, Andrea représenta sur une haute montagne la vie de ceux qui, tourmentés par le remords de leurs péchés et par le désir d’être sauvés, ont fui le monde sur cette montagne pleine de saints ermites qui servent le Seigneur. On les voit se livrant à des occupations diverses, et avec une égale sollicitude ; les uns lisant ou priant paraissent entièrement absorbés par la vie contemplative, d’autres se livrent à de rudes travaux pour gagner leur vie. Entre autres, on en remarque un qui trait une chèvre et ne saurait être plus exact, ni plus vivant s’il était en chair et en os. Au-dessous, San Macario montre à trois rois qui chevauchent avec leurs femmes et leurs suites, au milieu d’une chasse, la misère humaine représentée par les corps de trois autres rois morts, mais non entièrement consumés et couchés dans leurs cercueils. Cette scène terrible est regardée avec attention par les trois vivants, qui se sont arrêtés dans des attitudes variées, mais toutes dignes d’admiration, et il semble que, faisant un retour sur eux-mêmes, ils pensent devoir, sous peu, en venir là. Celui qui se bouche le nez avec la main, pour ne pas sentir la puanteur des corps à demi décomposés, est, paraît-il, Uguccione della Faggiuola d’Arezzo. Au milieu de la scène, la Mort vêtue de noir descend en volant, et fait le geste d’avoir tranché, avec sa faux, les jours d’une foule de gens de toutes conditions, de tout âge et de tout sexe, hommes, femmes, enfants, vieillards, pauvres, riches, infirmes et bien portants, tous couchés à terre et sans vie.

Comme l’Orcagna savait qu’aux Pisans avait plu l’invention de Buffalmacco, pratiquée par Bruno dans ses fresques de San Paolo a Ripa d’Arno, de faire sortir des légendes de la bouche des personnages, il remplit toute sa fresque de devises dont la plus grande partie n’est plus lisible, à cause des injures du temps. Ainsi il fait dire à quelques vieux estropiés :

Dacché prosperitade ci ha lasciati,
O Morte, medicina d’ogni pena,
Deh vieni a darne ormai l’ultima cena !

Il y a encore d’autres paroles qu’on ne peut plus comprendre, ainsi