Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/232

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arcs de la face antérieure, l’Orcagna plaça comme ornement sept figures de marbre en demi-relief[1], pour représenter les sept vertus théologales et cardinales, qui, s’accordant avec le reste de l’œuvre, le firent connaître comme aussi bon sculpteur que peintre et architecte. J’ajouterai que dans toutes ses actions il fut enjoué, aimable et bien élevé, de manière à ne pas avoir son égal.

Comme il ne laissait jamais de côté l’étude d’une de ses trois professions pour une autre, pendant la construction de la Loggia, il peignit un tableau en détrempe[2], plein de grands personnages, avec une prédelle de petites figures, pour la chapelle Strozzi, où il avait déjà travaillé à fresque avec son frère Bernardo. Sur ce tableau, comme il le jugeait être meilleur témoignage de son talent que ses fresques, il inscrivit son nom avec ces paroles : ANNO DOMINI MCCCLVII ANDREA CIONIS DE FLORENTIA ME PINXIT.

Cette œuvre terminée, il fit quelques peintures également sur panneau qui furent envoyées au pape, à Avignon, et qui sont encore dans la cathédrale de cette ville[3]. Peu de temps après, la Compagnie d’Or San Michele, ayant rassemblé les nombreuses aumônes et les donations faites à la Vierge pendant la grande mortalité de 1348, résolut de faire construire autour de l’image de la Madone une espèce de chapelle, ou plutôt un tabernacle en marbre orné de sculptures, d’incrustations en pierres précieuses, de mosaïques et de bronzes, avec toute la richesse imaginable. Elle en chargea donc l’Orcagna, qu’elle reconnut être le maître par excellence de l’époque, et il fit tant de dessins que finalement l’un plut à ceux qui le demandaient comme meilleur que tous les autres. Le choix fait, on s’en remit entièrement à son jugement[4]. Il se réserva, ainsi qu’à son frère, toutes les figures de l’œuvre, et donna à faire les autres sculptures à des maîtres de difi’érents pays. Les morceaux terminés, il les réunit avec beaucoup de soin, sans employer ni ciment ni mortier, mais avec des crampons de cuivre scellés au plomb, pour ne pas tacher les marbres éclatants de poli, de telle sorte que les joints sont invisibles et que le tabernacle entier semble taillé dans un seul bloc. Bien qu’il soit conçu dans le style tudesque[gothique], ce tabernacle a tant de grâce et de si belles proportions, qu’il tient le

  1. Dessinées par Angelo Gaddi en 1383 et 1386, elles furent sculptées par trois sculpteurs autres que l’Orcagna, mort bien avant.
  2. En place sur l’autel ; commandé par Tommaso di Rossello Strozzi, en 1354.
  3. Peintures perdues.
  4. Le tabernacle d’Or San Michele est toujours en place, encadrant la Vierge attribuée à Bernardo Daddi.