Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/238

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seul endroit qui ne fût pas encore recouvert de peintures, et y figura dans un arc le Couronnement de la Vierge[1], entourée d’anges, dont les visages sont si gracieux, si doux et si délicats, et dans une telle harmonie de couleurs (ce qui était le propre de son talent), qu’on le jugea, dans cette œuvre, avoir égalé tous ses devanciers. Il entoura l’arc de quelques sujets tirés de la vie de San Niccolo[2]. On voit encore de lui une fresque dans le monastère de Santa Chiara au milieu de l’église et elle représente la sainte dans les airs, soutenue par deux anges et ressuscitant un enfant mort, et, sur l’intérieur de la porte qui va de la ville au Dôme, une Vierge tenant son Fils entre saint François et un autre saint. Mais il ne put terminer la première de ces œuvres[3], étant tombé malade et revenu à Florence.

Tommaso, dit-on, était mélancolique et recherchait la solitude, mais aussi il était studieux et aimait son art avec passion, comme on peut s’en rendre compte, à Florence, dans l’église San Romeo, où l’on conserve sa meilleure œuvre. Ce tableau[4], qui est placé dans le transept droit, est peint en détrempe et représente le Christ mort, entouré des saintes Maries, de Nicodème et d’autres personnages qui pleurent amèrement et montrent, soit par leurs physionomies, soit en se tordant les mains et en se frappant la poitrine, la douleur extrême qu’ils éprouvent de voir ce que coûtent nos péchés. Il est remarquable, non que l’artiste ait conçu par la pensée une telle désolation, mais qu’il ait pu la rendre si bien avec le pinceau. Ce qui rend cette œuvre si digne de louanges, ce n’est pas tant le sujet qu’elle représente et la manière dont elle est conçue, que la rare habileté avec laquelle tous les effets de la douleur sont montrés, tels que le froncement des sourcils, la déformation du nez et de la bouche de ceux qui pleurent, sans que pour cela la beauté des figures en soit altérée. Mais il est vrai que Tommaso travaillait avec conscience, plutôt pour la renommée de son vivant et la gloire après sa mort, que pour l’amour de l’argent, qui fait que, de nos jours, les artistes sont moins actifs et moins soigneux. Et comme il ne se soucia jamais d’accumuler de grandes richesses, de même il ne courut pas beaucoup après les commodités de la vie. Vivant pauvrement, il voulut toujours satisfaire les autres plus que lui-même, et après une existence dure, pénible et presque misérable, il mourut de phtisie, à l’âge de 32 ans. Ses parents lui donnèrent une sépulture hors

  1. Existe encore dans la chapelle du Saint-Sacrement.
  2. Ces fresques existent encore, mais elles sont dans la chapelle Orsini.
  3. N’existent plus.
  4. Actuellement aux Offices.