Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fendre, ce qui arrive généralement aux statues exécutées simplement en terre. Aujourd’hui on ne fait pas autrement les modèles de sculpture, pour le plus grand avantage des artistes, qui ont ainsi toujours l’exemplaire sous les yeux, avec ses justes mesures. Ils doivent donc être grandement reconnaissants de ce procédé à Jacopo, qui, dit-on, en est l’inventeur.

Il exécuta ensuite à Sienne deux bas-reliefs en bois de tilleul, dans lesquels il traita les figures, les barbes et les cheveux avec une patience merveilleuse. Après ces sculptures qui furent placées dans la cathédrale[1], il fit en marbre plusieurs Prophètes de petites dimensions qui sont sur la façade de la même église[2]. Il aurait sans doute continué à travailler pour cet édifice, si son protecteur. Orlando Malevolti, n’eût pas été chassé par les Siennois[3], qui étaient en proie à la peste, à la famine et aux discordes intestines.

Ayant donc quitté Sienne, il se rendit à Lucques, où il fit[4] dans l’église San Martino, pour Paolo Guinigi, seigneur de cette ville, le tombeau de sa femme[5] qui était morte peu de temps auparavant. Le soubassement en marbre, orné d’enfants qui soutiennent une guirlande, et exécutés avec une telle vérité qu’on les croirait de chair, est surmonté du sarcophage, sur lequel est couchée la statue de la morte, aux pieds de laquelle est un chien sculpté dans le même bloc, emblème de sa fidélité conjugale[6]. L’an 1429, après le départ, ou plutôt l’expulsion, de Paolo, qui rendit la liberté à la ville de Lucques, ce tombeau fut enlevé de sa place et presque entièrement ruiné, en haine de Guinigi. Cependant la beauté de la statue et de l’ornementation le préserva d’une destruction totale et, peu après, le sarcophage et la statue furent replacés avec soin, à côté de la porte de la sacristie, où on le voit encore aujourd’hui.

Jacopo ayant appris qu’à Florence l’Art des Marchands de Calimara voulait faire exécuter en bronze une des portes du temple de San Giovanni [7], dont une, déjà, avait été faite par Andrea Pisano, accourut

  1. N’existent plus
  2. Renseignement insuffisant. Jacopo est mentionné pour la 1re fois en 1417, dans les comptes du Dôme.
  3. En 1391.
  4. Vers 1413.
  5. Ilaria, fille de Carlo, marquis del Carretto, morte le 8 décembre 1405.
  6. Il reste de ce tombeau la statue de Ilaria avec un fragment de la base, à la place indiquée par Vasari ; un autre fragment de la base est au Musée National de Florence.
  7. Concours de 1402 ; quelques inexactitudes, voir la vie de Ghiberti.