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Paolo UCCELLO
Peintre florentin, né en 1397, mort en 1475

Paolo Uccello[1] aurait été le peintre le plus élégant et le plus originai depuis Giotto, s’il avait consacré aux figures d’hommes et aux animaux le temps qu’il perdit dans ses recherches sur la perspective. Sans doute, c’est une chose ingénieuse et belle, mais celui qui en fait une étude trop exclusive perd son temps, se fatigue l’esprit, le rend stérile et compliqué, et finit par adopter une manière sèche aux contours anguleux. C’est ce qui arrive à ceux qui veulent trop approfondir les choses, de même qu’ils risquent souvent de tomber dans l’isolement, la mélancolie, l’étrangeté et la pauvreté. Il en advint pareillement à Paolo Uccello, qui, doté par la nature d’un génie subtil et capricieux, ne s’occupa qu’à résoudre des problèmes de perspective difficiles ou impossibles. Cette étude lui nuisit dans le dessin de ses figures, au point qu’en vieillissant il les fit de plus en plus mauvaises. Il arriva, néanmoins, à tirer à la perfection la perspective des édifices, jusqu’au faîte des corniches et des toits, au moyen de l’intersection des lignes, les faisant converger au centre ou diverger, après avoir déterminé exactement la position de l’œil qui voit et les points de fuite, et en donnant ainsi des règles certaines pour mettre les figures sur des plans différents, ou en raccourci, de manière à les faire fuir progressivement, ce qui se faisait au hasard avant lui. Il trouva également le moyen de représenter avec vérité les croisées et les arcs des voûtes, les carreaux des parquets, les colonnes de manière qu’elles paraissent rondes. Ces études l’absorbaient et le rendaient excentrique, au point qu’il demeurait des semaines et des mois entiers enfermés dans sa maison, sans se laisser voir à personne et que, pendant sa vie, il resta plus pauvre que célèbre. Donatello, son ami intime, lui disait souvent, quand il lui montrait avec complaisance des couronnes héraldiques, ou des boules à soixante-douze faces et à pointes de diamant, des copeaux enroulés sur un bâton, ou d’autres dessins curieux de perspective :

« Eh ! Paolo, ta perspective te fait laisser le certain pour l’incertain. 

Toutes ces choses ne sont bonnes qu’à ceux qui font de la marqueterie !»

  1. Paolo di Dono, fils d'un barbier et chirurgien qui, né à Pratovecchio, fut fait citoyen florentin, en 1373. Dans la déclaration au Catasto, en 1427, au nom de Paolo, il est dit avoir 30 ans. Il serait donc né en 1397, date moyenne entre toutes celles indiquées par les différentes déclarations. — Cité en 1408 parmi les apprentis de Ghiberti, qui travaillent à la première porte de San Giovanni.