Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

apparaît Dieu le Père, dont la figure était certainement la plus difficile de toute l’œuvre ; cette figure vole, en raccourci, dans la direction du mur, avec tant de vérité et de vigueur de relief qu’elle semble passer au travers et s’y enfoncer. Noé est entouré d’une foule d’animaux extrêmement beaux. En somme, Paolo donna à son œuvre une grâce et une douceur telles qu’elle est, sans comparaison, supérieure à tout ce qu’il a produit et qu’elle sera toujours justement louée, comme elle le fut de son temps.

À Santa Maria del Fiore, pour honorer la mémoire de Giovanni Acuto[1], condottiere anglais au service de la République, qui était mort en 1393, il le représenta en grisaille, sur un cheval d’une beauté et d’une grandeur extraordinaires, dans un cadre haut de dix brasses, que l’on fixa au mur intérieur de la façade[2]. Il traça en perspective un grand mausolée qui est supposé renfermer le corps, et le surmonta de la statue équestre en armes dont nous venons de parler. Cette peinture a été, et est encore aujourd’hui, très admirée ; elle serait parfaite si Paolo, qui probablement n’était pas un écuyer expérimenté, ou qui peut-être n’avait pas étudié à fond les chevaux, comme les autres animaux, n’avait fait lever à son cheval les deux jambes du même côté, ce qui n’est pas naturel, et en réalité amènerait la chute de l’animal[3]. Néanmoins la perspective en est remarquable, et sur le soubassement on lit ces mots : Pauli Uccelli opus.

À la même époque et sur la même façade intérieure, il peignit en couleurs à fresque, au-dessus de la porte principale, la sphère des heures, avec quatre têtes dans les coins[4]. Dans une galerie qui donne du côté du couchant, sur le jardin du monastère degli Angeli, il exécuta en grisaille les faits les plus notables de saint Benoît, abbé, jusqu’à sa mort[5].

Dans plusieurs maisons de Florence, on voit des lits et des meubles de tout genre, ornés de petits tableaux, en perspective, de la main de Paolo, et à Gualfonda, dans le jardin qui appartenait aux Bartolini, sur une terrasse, quatre tableaux sur bois, représentant des batailles[6].

  1. De son vrai nom John Hauckwood.
  2. Peinture commandée le 30 mai 1436. Le travail, jugé insuffisant, dut être recommencé par Uccello qui le termina fin août de la même année.
  3. Erreur communément répandue ; le lever des pieds est parfaitement régulier dans cette fresque, qui a été transportée sur toile et qui existe encore, au-dessus de la porte de droite.
  4. Il ne reste plus que les têtes des Prophètes.
  5. Ces peintures n’existent plus.
  6. Dont trois existent encore : 1° aux Offices, signée PAVLI VCELI OPVS ; 2° au Louvre ; 3° à la Galerie Nationale de Londres.