Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/311

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Ils sont pleins de chevaux et de cavaliers portant les armures et les costumes du temps, parmi lesquels on reconnaît Paolo Orsino, Ottobuono de Parme, Luca de Canale et Carlo Malatesta, seigneur de Rimini, tous capitaines généraux des armées de cette époque. Ces tableaux, étant abîmés et ayant souffert du temps, ont été l’objet, de nos jours, d’une restauration par Giuliano Bugiardini, qui leur a été plus nuisible qu’utile.

Paolo Ucello fut emmené par Donato à Padoue, et il peignit en grisaille, à l’entrée de la maison de Vitali[1], quelques géants dont Andrea Mantegna faisait le plus grand cas. Il décora d’ornements triangulaires à fresques et en perspective la voûte des Perruzzi[2], dans les angles de laquelle il plaça les quatre éléments, accompagnés des animaux qui leur sont propres. Ainsi il attribua une taupe à la terre, un poisson à l’eau, la salamandre au feu, et à l’air le caméléon qui en vit et qui en prend toutes les couleurs. Comme il n’en avait jamais vu, il crut le présenter sous la forme d’un chameau, qui ouvre la bouche et avale de l’air. En cela, il fut trompé par la similitude du nom (camello, cameleonte), sans se douter qu’il n’y avait aucun rapport entre cette énorme bête et une espèce de lézard, sec et de petites dimensions.

Malgré son excentricité, Paolo aimait les arts et ceux qui les pratiquaient à son époque. Désirant transmettre à la postérité les traits de quelques-uns, il peignit sur un tableau long[3], qu’il conservait dans sa maison, cinq maîtres signalés : Giotto, peintre, comme rénovateur et flambeau de l’art, Filippo di Ser Brunelleschi pour la perspective et la figuration des animaux, et pour les mathématiques Giovanni[4] Manetti, son ami, avec qui il avait de fréquents entretiens sur la géométrie d’Euclide.

On raconte qu’ayant eu à faire, au-dessus de la porte de l’église San Tommaso, dans le Mercato Vecchio, un saint Thomas voulant toucher la plaie du Christ[5], il y mit toute l’application dont il était capable, disant qu’il voulait montrer dans cette peinture ce qu’il valait et ce qu’il savait ; il fit donc faire une clôture de planches, pour que personne ne pût la voir, avant qu’elle fût entièrement terminée. Donato, le rencontrant un jour, tout seul,

  1. Lire Vitaliani. Les géants n’existent plus.
  2. Cette décoration n’existe plus.
  3. Actuellement au Louvre.
  4. Lire Antonio, nom porté sur le cadre.
  5. Cette peinture n’existe plus.