Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/33

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V. — Revenant donc à mon projet primitif, je dirai que, désirant, dans la limite de mes forces, soustraire à l’action dévorante du temps les noms des sculpteurs, des peintres et des architectes qui ont eu une certaine notoriété en Italie, de Cimabué à nos jours, voulant que mon travail fût aussi utile que je m’étais proposé de le rendre agréable, je crois nécessaire, avant de passer à l’histoire, de faire une brève introduction, où je traiterai des trois arts dans lesquels ont brillé ceux dont je veux écrire la Vie. De cette manière, tout esprit délicat pourra d’abord apprendre les choses les plus notables de leurs professions, et ensuite avec agrément et plus de profit, pourra reconnaître facilement en quoi ils furent différents les uns des autres, combien ils illustrèrent et embellirent leurs patries, de manière que qui que ce soit peut profiter de leurs œuvres et de leur savoir.

Je commencerai donc par l’Architecture, comme étant la plus universelle, la plus nécessaire et utile aux hommes, les deux autres arts étant à son service et coopérant à son ornement. Je montrerai brièvement la différence des pierres, la manière et les modes d’édifier, les proportions, enfin à quoi on reconnaît qu’un édifice est bien bâti et bien compris. Traitant ensuite de la Sculture, je dirai comment on fait les statues, quelles formes et quelles proportions il faut leur donner, quelles sont les bonnes sculptures, avec les procédés les plus secrets et les plus nécessaires. En dernier lieu, parlant de la Peinture, je traiterai du dessin, des modes de colorier, de la manière d’amener une œuvre à la perfection, des qualités de la peinture, de tout ce qui en dépend, des mosaïques de diverses sortes, du nielle, des émaux, du travail de damasquinage, et finalement de la gravure d’après des peintures. Je suis persuadé que ce travail plaira à ceux qui n’exercent pas ces arts, qu’il plaira et servira à ceux qui en font profession. Outre que dans l’Introduction ils retrouveront les modes de procéder, dans les Vies des Artistes ils apprendront où se trouvent leurs œuvres, à reconnaître facilement leur perfection ou leur imperfection, à discerner entre leurs différentes manières. Ils pourront encore s’apercevoir que d’éloges et d’honneurs obtient celui qui joint au talent des mœurs honnêtes et une vie irréprochable. Enflammés par ces éloges, ils s’efforceront eux aussi d’atteindre la vraie renommée. On ne tirera pas peu de fruit de l’histoire, vrai guide et maîtresse de nos actions, quand on lira la diversité des événements causés aux artistes, tantôt par leur faute, tantôt, et bien souvent, par la fortune. Il me resterait à m’excuser d’avoir quelquefois employé des expressions qui ne sont pas de notre belle langue toscane, mais je m’en abstiens, ayant