Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/330

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larges et faciles, comme elles sont dans la réalité, ce qui a été d'une grande utilité pour les artistes et mérite qu'il en soit grandement loué comme en étant l'inventeur. En vérité, on peut dire que les œuvres faites avant lui ont été peintes, mais que les siennes sont vraies, vives et naturelles à côté de celles des autres.

Le lieu de naissance de Masaccio fut Castello San Giovanni di Val d'Arno, où se trouvent encore, dit-on, quelques figures peintes par lui dans sa première jeunesse. Distrait, rêveur, comme un homme dont toutes les pensées et la volonté étaient tournées uniquement vers les choses de l'art, il s'occupait peu de lui-même et encore moins des autres. Comme il ne voulut jamais penser, en aucune manière, aux choses de ce monde, dont il ne se souciait pas plus que de son costume, il fallait qu'il fût réduit au plus extrême besoin pour réclamer quelque argent à ses débiteurs. Il se nommait Tommaso, mais on le surnomma Masaccio, non pour sa méchanceté, car il était la bonté même, mais à cause de ses étrangetés; d'ailleurs toujours prêt à rendre service à qui que ce fût.

Il commença à peindre, dans le temps que Masolino da Panicale peignait la chapelle des Brancacci, dans l'église del Carmine, à Florence. Marchant autant qu'il le pouvait dans les traces de Donato et de Filippo Brunelleschi, bien que suivant une autre branche de l'art, il cherchait continuellement à faire ses figures vives et animées, à l'imitation de la nature. Il s'éloigna tant du faire des autres artistes, en dessinant et en peignant à la moderne, que son dessin et son coloris peuvent sans désavantage soutenir la comparaison avec ceux des maîtres actuels. Il travailla avec opiniâtreté et surmonta merveilleusement les difficultés delà perspective, comme on peut en juger par son petit tableau du Christ guérissant un possédé[1], qui appartient aujourd'hui à Rodolfo Ghirlandajo, et dans lequel il y a des édifices en perspective, dont on voit à la fois l'intérieur et l'extérieur, car il les prit, non de face, mais de côté, tout exprès pour avoir à vaincre de plus grandes difficultés. Il chercha, plus que les autres peintres, à faire des figures nues et en raccourci, dont on se servait peu avant lui. Sa manière était facile et comme on l'a déjà dit, ses draperies se distinguaient par leur simplicité.

On a de sa main un tableau en détrempe, qui représente la Vierge assise avec sainte Anne et tenant l'Enfant Jésus : ce tableau [2] est

  1. Ce tableau n’existe plus.
  2. Actuellement à l’Académie des Beaux-Arts de Florence.