Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/333

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à Masaccio ; mais lorsqu’il apprit que Cosme de Médicis, qui l’avait beaucoup aidé et favorisé, était rappelé de l’exil[1], il revint à Florence, où il fut chargé de continuer les peintures de la chapelle Brancacci, dans l’église del Carmine, laissées inachevées par Masolino da Panicale, qui venait de mourir[2]. Avant de se mettre à l’œuvre, il fit, comme essai et pour montrer les progrès qu’il avait faits, le saint Paul[3], qui est près de l’endroit où tombent les cordes des cloches. Il fit preuve d’un talent infini dans cette peinture et l’on reconnaît dans la tête du saint, représenté sous les traits de Bartolo di Angiolino Angiolini, une grandeur terrible telle que la parole seule semble lui manquer. Celui qui ne se rend pas compte de ce que fut saint Paul n’a qu’à regarder cette figure qui respire la force du citoyen romain, en même temps que la puissance invincible d’un esprit tout entier absorbé par sa foi. Masaccio montra, en outre, dans cette peinture, une connaissance merveilleuse des raccourcis vus de bas en haut, comme on peut s’en rendre compte en regardant les pieds de cet apôtre, dans lesquels il y a une difficulté vaincue aisément par lui, en comparaison de la raideur de la manière ancienne qui faisait se tenir toutes les figures sur la pointe des pieds, comme je l’ai déjà dit. Cette manière dura jusqu’à lui, sans que personne ne cherchât à la corriger, et lui seul, avant tout autre, la fit disparaître devant le mode de faire actuel. Pendant qu’il y travaillait, l’église del Carmine fut consacrée[4] et Masaccio, en commémoration de cette cérémonie, la représenta[5], en clair-obscur, au-dessus de la porte qui conduit de l’église dans le cloître. Parmi une foule de citoyens revêtus de manteaux et de chaperons, qui suivent la procession, il introduisit Filippo Brunelleschi, chaussé de sandales ; Donatello, Masolino da Panicale, son maître, Niccolo da Uzzano et d’autres, dont les portraits sont de la main du même, dans la maison de Simon Corsi[6], gentilhomme florentin. On y voit aussi la porte du couvent et le portier armé de ses clefs. Cette œuvre est vraiment d’une grande perfection, Masaccio ayant su mettre en perspective la procession de tous ces gens, qui vont cinq ou six par files et, en particulier, il est remarquable que

  1. En 1434.
  2. Masolino mourut après Masaccio.
  3. Détruit en 1675, quand on construisit la chapelle Corsini. Il était peint sur un pilastre de la chapelle des Serragli.
  4. Le 19 avril 1422, par l’archevêque Amerigo Corsini.
  5. II en reste un fragment sur le mur du cloître attenant à l’église.
  6. Peintures perdues ; un fragment de fresque, conservé aux Offices, représente le portier des Carmes.