Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/334

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tous ne sont pas de la même grandeur et qu’on distingue très bien les petits et les gros des grands et des maigres ; tous sont d’aplomb sur leurs pieds et marchent sur le sol de la place, tout aussi naturellement que feraient des personnes vivantes.

Étant ensuite retourné aux travaux de la chapelle Brancacci, il termina une partie de l’histoire de saint Pierre[1], commencée par Masolino, savoir quand il baptise le peuple, qu’il guérit les infirmes, quand il ressuscite les morts et redresse les contrefaits qu’il touche de son ombre, en allant au temple avec saint Jean. Parmi tous ces sujets, le plus remarquable est celui dans lequel saint Pierre, pour payer le tribut à César, tire de l’argent du ventre d’un poisson, sur l’ordre de Jésus-Christ. Outre son propre portrait, que Masaccio y introduisit sous la figure du dernier apôtre, et qu’il peignit à l’aide du miroir, avec tant, de vérité qu’il paraît vivant, la hardiesse de saint Pierre qui adresse sa demande au Christ et l’attention des apôtres entourant le Christ dans diverses attitudes et attendant qu’il prononce sa décision sont rendues d’une façon vraiment saisissante. Il en est de même du geste de saint Pierre, quand il retire l’argent ; il y met tant d’ardeur que sa figure en est tout enflammée d’être resté courbé. Quand il paye ensuite le tribut, on devine le sentiment qui l’anime, de même que la cupidité de celui qui reçoit l’argent et le regarde dans sa main avec complaisance.

Masaccio peignit aussi le fils du roi ressuscité par saint Pierre et saint Paul ; mais cette dernière fresque resta inachevée par suite de sa mort et fut terminée plus tard par Filippino Lippi. Dans la scène où saint Pierre baptise, se trouve une figure nue qui grelotte, saisie par le froid et qui a toujours excité l’admiration des artistes anciens et modernes, tant elle est exécutée avec un beau relief et avec douceur de style.

Une quantité de dessinateurs et d’artistes en tout genre ont constamment fréquenté cette chapelle ; elle renferme des têtes si belles et si expressives que l’on peut dire avec assurance qu’aucun maître de cette époque ne s’approcha autant que Masaccio des peintres modernes. Ses efforts méritent donc des louanges infinies, surtout pour avoir créé le beau style de notre époque ; et pour prouver la vérité de ce que j’avance, je dirai que tous les peintres et sculpteurs qui sont venus étudier dans cette chapelle et y prendre des copies, sont devenus des maîtres éminents, tels que Fra Giovanni de Fiesole, Filippino Lippi

  1. Ces fresques existent encore.