Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une statue de sainte Marie-Madeleine pénitente, en bois de tilleul et destinée à être placée dans une chapelle, Filippo, qui avait produit plusieurs petites œuvres de sculpture et qui était désireux de montrer qu’il pouvait réussir des œuvres de grandes dimensions, demanda à la faire ; cette figure, terminée et mise en place, fut trouvée très belle, mais, dans l’incendie de l’église qui arriva l’an 1471, elle fut réduite en cendres, avec beaucoup d’autres œuvres remarquables.

Il cultiva beaucoup la perspective, qui était alors mal appliquée, à cause des nombreuses erreurs que l’on commettait ; il y perdit beaucoup de temps, jusqu’à ce qu’il eût trouvé par lui-même une manière de la rendre plus juste et parfaite, en faisant le plan, le profil et les intersections, découverte vraiment ingénieuse et très utile aux arts du dessin. Il y prit tant de plaisir que de sa main il retraça la place de San Giovanni, avec la répartition des marbres noirs et blancs incrustés sur les murailles et dont les bandes allaient en diminuant avec une grâce singulière ; il fit également la maison de la Misericordia, avec les boutiques des marchands de gaufres, la voûte des Pecori et de l’autre côté la colonne de San Zanobi. Ce dessin, pour lequel il reçut les éloges des artistes et de tous ceux qui savaient juger cet art, l’encouragea au point qu’il ne resta pas longtemps sans mettre la main à un autre dans lequel il représenta le Palais, la Place et la Loggia de la Seigneurie, avec le toit des Pisans et toutes les constructions que l’on voit autour ; ces deux œuvres[1] eurent pour effet d’éveiller l’intelligence des autres artistes, qui se mirent depuis à travailler la perspective avec beaucoup d’application. Filippo l’enseigna en particuHer à Masaccio, peintre, alors jeune et son grand ami, qui lui fit honneur, comme il apparaît dans la représentation des édifices qu’il introduisit dans ses œuvres. Il en fit autant pour ceux qui travaillaient à des œuvres de marqueterie, qui est un art d’assembler les bois de couleurs, et il les stimula au point qu’il faut lui attribuer le développement que prit cet art si utile, de même que quantité d’œuvres de ce genre, qui ont procuré, à Florence, autant de gloire que de profit, pendant de longues années.

Maestro Paulo dal Pozzo Toscanelli revenant de ses études et se trouvant à dîner un soir, dans un jardin, avec quelques amis, invita Filippo qui, l’entendant parler des arts relevant des mathématiques, prit tant de familiarité avec lui que celui-ci lui enseigna la géométrie, et bien que Filippo n’eût pas de connaissance approfondie des lettres, il lui rendait raison de toutes choses, avec le naturel de la pratique et de

  1. Ces dessins sont perdus.