Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/337

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médecin [1], en prenait un déplaisir extrême. Mais le voyant toujours occupé à des choses d’adresse ou à de petits ouvrages de main, il lui fit apprendre à écrire et à compter et le plaça ensuite chez un orfèvre de ses amis, pour apprendre à dessiner. Filippo[2] en ressentit une grande satisfaction et travailla avec tant d’ardeur qu’il ne tarda pas à savoir monter les pierres fines, mieux que les plus anciens du métier. Il fit plusieurs pièces de nielle et d’argenterie, entre autres, les deux demi-figures de Prophètes, placées sur le bord de l’autel de San Jacopo de Pistoia[3], qui furent trouvées très belles et qu’il exécuta pour l’Œuvre de cette ville. Il fit également des bas-reliefs, dans lesquels il montra une telle entente du métier, que nécessairement son génie devait dépasser les termes de cet art.

S’étant lié avec des personnes studieuses, il lui prit fantaisie d’apprendre les effets des poids et des roues et d’acquérir la connaissance des temps et des mouvements, en sorte qu’il arriva à produire de belles et d’excellentes horloges. Non content de cela, il se prit d’un désir extrême de faire de la sculpture et cette idée lui vint après que Donato étant jeune et considéré déjà comme un sculpteur de talent dont on attendait davantage, Filippo commença à le fréquenter continuellement ; par suite de leurs vertus réciproques, leur affection devint telle qu’ils ne semblaient pouvoir vivre l’un sans l’autre. De plus, Filippo, qui avait les aptitudes les plus diverses, s’occupa à des œuvres d’autres professions, en sorte que les personnes qui s’y connaissaient l’estimèrent être un excellent architecte, d’après les nombreux ouvrages qu’il exécuta et qui servirent dans des restaurations de maisons. Ainsi, tandis que Apollonio Lapi, son parent, faisait construire une maison, au coin des Ciai, vers le Mercato Vecchio, Filippo s’y employa grandement et il en fit autant, hors de Florence, dans la tour et la maison della Petraia[4], à Castello. Dans le palais qu’habite la Seigneurie, il fit la distribution de toutes les chambres, dans la partie où se trouvaient les bureaux du Mont-de-Piété ; il y pratiqua des portes et des fenêtres, dans une manière inspirée de l’antique et qui n’était pas beaucoup en usage, car l’architecture était des plus grossières en Toscane. Comme les Frères de Santo Spirito, à Florence, voulaient avoir

  1. Maestro Cambio, qui était médecin.
  2. Immatriculé à l’Art de la Soie le 19 décembre 1398 et parmi les Orfèvres (qui comptaient dans cet Art) le 2 juillet 1404. Tommaso, son frère, est immatriculé le 29 avril 1405.
  3. Existent encore.
  4. Actuellement Villa royale ; la tour existe encore.