Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/341

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait deux projets grandioses : d’une part, il voulait remettre en honneur la belle architecture, espérant ainsi, s’il la retrouvait, laisser une renommée égale à celle de Cimabue et de Giotto ; d’autre part, il cherchait le moyen de voûter la coupole de Santa Maria del Fiore, à Florence, dont personne, après la mort d’Arnolfo, n’avait osé se charger, sans faire une dépense prodigieuse de charpentes et de cintres. Il n’en parla à personne, pas même à Donato, mais il étudia toutes les difficultés de la coupole du Panthéon et dessina toutes les voûtes antiques qu’il put examiner. Et lorsque les deux artistes voyaient apparaître, à demi enterrés, des fragments de chapiteaux, de colonnes, de corniches, ou de soubassements d’édifices, ils ne manquaient jamais de pousser leurs fouilles jusqu’au pied, de manière à les dégager et à pouvoir les étudier. Aussi le bruit s’en était répandu dans Rome et quand ils passaient par les rues avec leurs habits de terrassiers, on les appelait les hommes du trésor, car le peuple les prenait pour des personnes occupées de géomancie, pour retrouver des trésors ; ce qui provint de ce que, un jour, ils avaient trouvé un vase antique, de terre, plein de médailles.

Bientôt l’argent manqua et Filippo dut y remédier en montant des pierres pour des orfèvres, ses amis, tandis que Donato retournait à Florence. Resté seul, Filippo continua à étudier les antiques, avec plus de zèle que jamais. Il n’y a pas d’édifice ancien qu’il n’ait pas dessiné, temples ronds, carrés, octogones, bâtis en briques, basiliques, aqueducs, bains, arcs de triomphe et amphithéâtres ; dans toutes ces constructions, il découvrit l’assemblage et l’enchaînement des pierres, ainsi que la forme des voûtes. Il étudia l’agencement des pierres d’attente et de celles qui servent de point fixe ; puis, s’apercevant que toutes les grosses pierres étaient percées d’un trou à mortaise, il reconnut qu’il était destiné à cet outil de fer que nous appelons la louve, et dont on se sert pour élever les pierres ; après lui, il a été toujours en usage. Il sut distinguer les ordres dorique, ionique et corinthien et il poussa ses études à un tel point qu’il était capable de recomposer en imagination la ville de Rome telle qu’elle était avant d’avoir été ruinée.

L’an 1407, le mauvais air affecta un peu sa santé et ayant reçu de ses amis le conseil de changer d’air, il revint à Florence où, pendant son absence, une partie des murs était tombée en ruines et pour la réfection desquels il donna, à son retour, des dessins et des conseils.

Cette année-là[1], une assemblée d’architectes et d’ingénieurs du

  1. En 1417. Dans toute cette histoire de la coupole et des démêlés de Filippo avec Ghiberti, Vasari ne suit pas du tout la chronologie des événements.