Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/343

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ses vues et la supériorité de ses raisonnements sur ceux des autres maîtres, qui désespéraient de s’entendre avec les maçons et de construire une charpente assez forte pour soutenir l’armature et l’énorme poids de la coupole. Comme on voulait en voir la fin, on écrivit à Filippo, le priant de revenir à Florence ; et comme il ne désirait rien davantage, il voulut bien se rendre à cet appel. La fabrique du Dôme et les consuls de l’Art de la Laine s’étant rassemblés à son arrivée, lui exposèrent toutes les difficutés, de la plus grande à la moindre, que faisaient les autres maîtres présents à cette consultation. Filippo, après les avoir écoutés, parla ainsi : « Seigneurs, il est hors de doute que les grandes choses rencontrent toujours de grandes difficultés dans leur exécution, et, s’il en fut jamais, votre entreprise en présente de plus grandes que probablement vous ne vous l’imaginez. Je ne sache pas que les anciens aient jamais exécuté une voûte d’une aussi terrible grandeur que celle-ci aura. J’ai souvent pensé aux moyens d’en armer la construction à l’intérieur et à l’extérieur, pour y travailler en toute sécurité, et n’ai su que résoudre, car la largeur et la hauteur de l’édifice m’épouvantent. Si on pouvait la faire sphérique, on suivrait la méthode employée par les Romains dans le Panthéon. Mais ici nous avons huit pans auxquels nous devons nous assujettir, et par conséquent huit chaînes de pierre à élever, auxquelles il faudra lier le reste de la construction. Je sais combien cela est difficile ; néanmoins, comme ce temple est consacré à Dieu et à la Vierge, j’espère que le Tout-Puissant ne manquera pas d’envoyer le savoir, s’il fait défaut, en y ajoutant la force, l’intelligence et le génie, à celui qui conduira cette entreprise. Mais en quoi puis-je vous être utile, puisque je n’en suis pas chargé ? Je l’avoue, si elle m’était confiée, je me sentirais le courage nécessaire pour trouver les moyens d’en venir à bout, sans tant de difficultés. Mais je n’ai encore pensé à rien, et vous voulez que je vous indique les moyens à employer ! Lorsque vous serez décidés, il vous faudra non seulement faire usage de moi, qui serai insuffisant pour donner des conseils sur une si grande entreprise, mais encore faire de grandes dépenses et inviter les architectes de Toscane, d’Italie, d’Allemagne, de France et de tous les pays en un mot, à se rassembler à Florence, dans un an à jour fixe ; puis soumettre votre projet à leur discussion et en confier l’exécution à l’homme qui répondra au but voulu et proposera les meilleurs moyens et les plus judicieux. Je ne saurais vous donner d’autres conseils ni vous indiquer une meilleure marche. »

Le conseil et la méthode indiquée par Filippo plurent aux consuls et aux fabriciens, mais ils se doutaient qu’il avait un modèle et qu’il