Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/344

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y avait longuement pensé ; ils auraient voulu le connaître, ce dont il paraissait peu se soucier. Il prit même congé d’eux, déclarant qu’il était sollicité par lettres de retourner à Rome. Les consuls et les fabriciens, voyant que leurs sollicitations étaient impuissantes pour le retenir, le firent prier par des amis, et, comme il résistait, un matin qui fut celui du 26 mai 1417[1], les fabriciens lui firent une allocation d’argent, que l’on trouve portée à son compte sur les registres, et qu’ils lui donnèrent pour se le rendre favorable. Mais Filippo, ferme dans son propos, quitta Florence, et s’en alla à Rome, où il se livra à de profondes études pour se préparer à la future entreprise dont il était certain d’être seul capable d’assurer l’exécution.

Le conseil donné par Filippo, d’appeler de nouveaux architectes, n’avait pour but que de leur faire constater la puissance de son génie ; il était loin de croire qu’aucun d’eux ne se chargerait de voûter la coupole et n’accepterait une pareille entreprise, beaucoup trop difiicile pour eux. Beaucoup de temps se passa ainsi avant que les architectes fussent venus de leurs pays, les marchands florentins qui résidaient en France, en Allemagne, en Angleterre et en Espagne ayant reçu ordre de ne rien épargner pour obtenir des souverains et envoyer à Florence les maîtres les plus habiles et les plus renommés de leurs États. Enfin, l’an 1420[2], furent réunis tous ces maîtres d’outre-monts, ainsi que ceux de Toscane et les plus habiles maîtres en dessin de Florence ; Filippo revint de Rome et se joignit à eux[3].

L’assemblée fut tenue dans l’Œuvre du Dôme, en présence des consuls, des fabriciens et des citoyens les plus remarquables par leur esprit. Il s’agissait de recueillir tous les avis et d’arrêter définitivement les moyens de voûter la coupole. Les architectes ayant donc été appelés, on les entendit l’un après l’autre exposer leurs idées et la méthode que chacun s’était proposée. Ce fut chose merveilleuse d’entendre les opinions étranges et diverses qui furent émises à cette occasion. L’un prétendait qu’il fallait établir des piliers, murés sur les fondations, d’où partiraient les arcs et la charpente destinée à porter le poids de la coupole ; un autre voulait construire la voûte en pierre ponce, pour

  1. La date exacte est le 19 mai 1417 ; il reçut dix florins d’or.
  2. Fin mars 1420.
  3. Les livres de comptes du Dôme donnent tous leurs noms. On n’y rencontre pas de noms étrangers ; tous sont florentins. Ce sont : Giovanni di Gherardo da Prato, Giuliano d’Arrigo, Giovanni dell’Abaco, Nanni d’Antonio di Banco, Donatello, Ricco di Giovanni et Michele di Niccolo, dit le Scalcagna. Ils obtinrent tous une gratification.