Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/363

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causé un grand dommage aux écritures du Mont de Piété, le seigneur duc Cosme voulut, pour mieux préserver ces écritures qui sont d’une grande importance, qu’elles fussent transportées, ainsi que le siège de cette magistrature, dans cette salle[1].

Le carême avait été prêché, à Santo Spirito de Florence, par Maestro Francesco Zoppo, qui avait alors la faveur du peuple, et il avait chaudement recommandé le couvent, les écoles et en particulier l’église qui venait d’être incendiée[2]. Les chefs du quartier obtinrent alors de la Seigneurie l’autorisation de refaire l’église, et Filippo fut prié de donner un modèle offrant toutes les parties utiles et belles qui conviennent à un temple chrétien. Il fit alors tous ses efforts pour retourner le plan de cette église, car il désirait prolonger la place jusqu’au bord de l’Arno, de manière que tous ceux qui arrivaient de Gênes, de la côte, de Lunigiana, du pays pisan ou lucquois, et qui passaient par là, vissent la magnificence de cette construction. Mais, comme quelques habitants ne voulurent pas laisser détruire leurs maisons, ce projet resta sans effet. Il fit donc le modèle de l’église et de l’habitation des frères, dans leur forme actuelle. La longueur de l’église est de cent soixante et une brasses, la largeur de cinquante-quatre ; elle est si bien ordonnée, qu’en ce qui concerne l’ordre des colonnes et les autres ornements, on ne saurait faire de construction plus riche ni plus majestueuse que celle-ci. En vérité, ce serait le temple le plus parfatit de la chrétienté, mais on ne suivit pas le modèle de Filippo, et certaines gens, voulant paraître en savoir plus que lui, ont commis nombre d’erreurs. Quoi qu’il en soit, cette œuvre le fit regarder comme un génie vraiment divin.

Filippo était facétieux de caractère et très vif dans ses réparties. C’est ainsi qu’il lança un brocard contre Lorenzo Ghiberti, qui avait acheté, à Monte Morello, un domaine, appelé Lepriano, qui lui coûtait plus du double qu’il ne lui rapportait. Aussi le revendit-il et comme on demandait à Filippo ce que Lorenzo avait fait de plus beau : « Vendre Lepriano », répondit-il.

Finalement, étant parvenu à une grande vieillesse, c’est-à-dire dans sa soixante-neuvième année, il mourut, le 16 avril 1446[3], ayant mérité par ses rudes travaux un nom honorable sur cette terre et une

  1. Ils y sont toujours.
  2. Cet incendie eut lieu en 1471. Mais, auparavant, à la suite des prédications de Fra Francesco Mellini, on avait commencé la nouvelle église, sur le dessin de Brunellesco ; elle fut terminée en 1481.
  3. Dans la nuit du 15 au 16. Il avait fait deux testaments, en 1481 et en 1441, mais on les a pas retrouvés.