Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/364

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place glorieuse dans le ciel. Sa mort fut un deuil universel dans sa patrie qui le connut et l’estima plus après sa mort que pendant sa vie. On lui fit de magnifiques funérailles à Santa Maria del Fiore, quoique le tombeau de sa famille fût dans l’église San Marco, sous la chaire, vers la porte, où l’on voit ses armes composées de deux feuilles de figuier, avec des ondes vertes sur champ d’or, parce que sa famille, disait-on, était originaire du Ferrarais, à savoir de Ficaruolo, château situé sur le Pô, les feuilles de figuier indiquant le lieu, et les ondes, le fleuve. Une quantité d’artistes le pleurèrent et particulièrement les plus pauvres, qu’il secourut toujours. Ainsi, vivant en bon chrétien, il laissa au monde le parfum de sa bonté et de ses précieuses vertus. Il me semble pouvoir affirmer que, depuis les Grecs et les Romains il n’y eut pas d’homme aussi rare et aussi excellent que lui ; il mérite, d’autant plus d éloges que, de son temps, le style gothique était en faveur par toute l’Italie et constamment appliqué par les maîtres anciens, comme on le voit dans nombre de constructions. Il retrouva les corniches antiques et ramena les ordres toscan, corinthien, dorique et ionique à leurs formes premières.

Il eut un élève qui était originaire de Borgo a Buggiano et qu’on appela le Buggiano. Il fit le bénitier de la sacristie de Santa Reparata, orné d’enfants qui lancent de l’eau ; on lui doit également le buste en marbre de son maître, qui fut placé dans le Dôme, près de la porte de droite, en entrant, au-dessus de l’inscription[1] que les Florentins y firent mettre, pour l’honorer après sa mort, autant qu’il avait lui-même honoré Florence pendant sa vie. Filippo fut malheureux en différentes choses : outre qu’il eut des adversaires, toute sa vie, quelques-unes de ses constructions ne furent pas terminées de son vivant et ne l’ont jamais été. Entre autres, il est fâcheux que les moines degli Angeli n’aient pas pu terminer l’église qu’il avait commencée. Après qu’ils eurent dépensé, pour la partie construite, plus de trois mille écus, obtenus soit de l’Art des Marchands, soit du Mont de Piété, où les fonds étaient déposés, le capital fut dissipé et la construction resta inachevée. Que celui donc qui veut laisser un souvenir de lui se dépêche de son vivant et ne se fie à personne d’autre. On peut en dire autant de quantité d’autres édifices commencés par Filippo Brunelleschi.


 

  1. Existe encore ; due à Carlo Marsuppini, chancelier de la République.