Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/368

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Dans le fronton, il fit le Père éternel, à mi-corps et en bas-relief ; sur la façade qui regarde l’église de cet oratoire[1], il éleva, pour le Tribunal de la Mercatanzia, un tabernacle en marbre d’ordre corinthien, à l’exclusion de tout style gothique et destiné à recevoir deux statues qu’il refusa d’exécuter, parce qu’on ne tomba pas d’accord pour le prix. Après sa mort, elles furent coulées en bronze par Andrea Verrocchio, comme nous le dirons plus tard.

Il fit ensuite, pour la face antérieure du campanile de Santa Maria del Fiore, quatre statues en marbre, hautes de cinq brasses[2] ; les deux du milieu sont les portraits du jeune Francesco Soderini et de Giovanni di Barduccio Cherichini, qu’on appelle aujourd’hui le Zuccone[3]. Cette dernière, qui est la plus estimée, était regardée comme la plus belle que Donato eût faite, et il avait coutume de jurer par elle, en disant : « Par la foi que j’ai en mon Zuccone ! » Pendant qu’il la faisait, il se prit plusieurs fois à lui crier : « Allons ! allons ! parle, parle donc ! » Du côté de la maison canoniale, au-dessus de la porte du campanile, il fit un Sacrifice d’Abraham et un Prophète, qui furent placés entre deux autres statues.

Pour la Seigneurie de Florence, il jeta en bronze une Judith coupant la tête à Holopherne[4], qui fut placée sous un arc de la loggia et qui est une œuvre vraiment magistrale. Celui qui considérera la simplicité de l’extérieur et du costume de Judith, découvrira aussi manifestement la grande âme de cette femme et l’appui de Dieu, de même que Holopherne paraît accablé de vin et de sommeil et que ses membres frappés par la mort semblent froids et affaissés. Ce groupe fut exécuté par Donato avec tant de soin que la fonte en fut fine et excellente ; il le répara ensuite si bien que c’est une merveille à voir. Pareillement la base, qui est un balustre de granit, simplement orné, est pleine de grâce et plaît infiniment à la vue. Donato fut tellement satisfait de cette œuvre qu’il y voulut mettre son nom Donatelli Opus, ce qu’il n’avait fait pour aucune autre[5].

Dans la cour du palais de la Seigneurie se trouve un David en

  1. Actuellement église San Carlo.
  2. Trois et demie, en réalité. Donatello fit trois statues : saint Jean-Baptiste (signé Donatello) ; le roi David, ou Zuccone (signé Opus Donatelli) ; le prophète Jérémie (signé Opus Donatelli). La quatrième, qui représente le prophète Abdias, est signée Joannes Rossus, c’est-à-dire Giovanni di Bartolo, sculpteur florentin.
  3. Ou le chauve.
  4. Actuellement sous la Loggia de’ Lanzi. Elle était autrefois à la place du David de Michel-Ange ; inscription : Exemplum Sal. Pub. cives posuere MCCCCXCV.
  5. Observation inexacte.