Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/403

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Alesso Baldovinetti, Pesello et nombre d’autres n’arrivèrent à obtenir dans leurs œuvres, ni la beauté, ni la bonté qu’ils espéraient. Et quand même ils auraient trouvé ce qu’ils cherchaient, il leur manquait encore les moyens d’établir leurs figures sur panneau, comme sur la muraille, de pouvoir les laver à l’eau sans enlever la couleur, de leur permettre de résister aux chocs dans les manipulations, toutes choses au sujet desquelles bon nombre d’artistes s’étaient rassemblés et avaient fréquemment conféré sans résultat. Un même désir tourmentait quantité d’esprits élevés qui s’occupaient de peinture, hors de l’Italie, en Espagne, en France, en Allemagne et dans d’autres pays. Il arriva donc, les choses étant en ce point, qu’un Flamand, nommé Jean de Bruges[1], peintre très estimé dans son pays, pour la grande habileté qu’il avait acquise dans son métier, se mit à expérimenter diverses sortes de couleurs et, en homme qui se plaisait à l’alchimie, à composer, au moyen de différentes huiles, des vernis et d’autres produits, suivant les idées bizarres communes à cette sorte de chercheurs. S’étant, un jour, donné beaucoup de peine à peindre un panneau, quand il l’eut terminé, avec grand soin, il y mit un vernis et l’exposa à sécher au soleil, ainsi que c’était l’usage. Mais, soit que la chaleur fût trop forte, soit que le bois fût mal joint ou pas assez sec, le panneau s’ouvrit dans les joints, d’une manière désastreuse. Là-dessus Jean, voyant le grand dommage causé par le soleil, se mit à réfléchir aux moyens qu’il pourrait employer pour que tel accident n’arrivât plus. Dégoûté non seulement du vernis, mais encore de la peinture à détrempe, il se mit à chercher le moyen de composer une sorte de vernis qui pût sécher à l’ombre, sans mettre ses peintures au soleil. Ayant donc expérimenté différentes substances, soit pures, soit mélangées, il trouva à la fin que l’huile de lin et l’huile de noix étaient les meilleurs siccatifs de tous ceux qu’il avait essayés. Ces huiles, bouillies avec d’autres mixtures, lui donnaient un vernis que lui-même, aussi bien que les autres peintres du monde, désiraient trouver depuis longtemps. Depuis, ayant fait des essais avec d’autres matières, il s’aperçut qu’en mélangeant ses huiles aux couleurs, il obtenait une peinture ayant beaucoup plus de corps, et qui, une fois sèche, non seulement ne craignait pas l’eau, mais encore donnait au coloris plus de vigueur et un certain lustre, sans l’aide du vernis. Ce qui lui parut encore plus étonnant, c’est que les couleurs se fondaient infiniment mieux qu’à la détrempe. Enchanté de cette découverte, comme on peut facilement le concevoir, Jean entreprit un grand

  1. Jean Van Eyck.