Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/415

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extrême et une grâce merveilleuse. Aussi, tant que le temps ne les aura pas détruites, son nom sera-t-il dignement célébré par tous les maîtres de l’art.

À Prato, près de Florence, où il avait quelques parents, il resta plusieurs mois, en compagnie de Fra Diamante del Carmine, qui avait été novice en même temps que lui, et il exécuta nombre d’œuvres dans cette ville. Ayant été ensuite chargé par les religieuses de Santa Margherita de peindre le tableau du maître-autel[1], pendant qu’il y travaillait, il vit un jour la fille de Francesco Buti[2], citoyen florentin, qui l’avait confiée aux sœurs, soit pour veiller sur elle, soit pour la faire entrer en religion. Filippo, ayant jeté ses regards sur Lucrezia [tel était le nom de la jeune fille], qui avait belle mine et une grâce merveilleuse, fit tant auprès des sœurs qu’il obtint de la faire poser pour une figure de la Vierge, dans son tableau. À cette occasion, s’étant enflammé d’amour pour elle, il fit si bien qu’il enleva Lucrezia, et la fit sortir du couvent, le jour où elle allait voir exposer la Ceinture de la Vierge, précieuse relique de cette cité[3]. Cet événement couvrit de honte les religieuses, et Francesco, son père, ne fut plus jamais joyeux[4], ayant fait tout ce qu’il put pour la ramener ; mais elle, soit par peur, soit pour tout autre cause, ne voulut jamais revenir, et se séparer de Filippo, dont elle eut un fils, nommé Filippo[5], comme son père, et qui devint, comme lui, un peintre habile et célèbre. À San Domenico de Prato, on voit de Fra Filippo deux tableaux[6], et, à San Francesco, une Vierge peinte sur le mur du transept, que l’on scia plus tard pour l’entourer de bois et la transporter sur une autre paroi de l’église, où on la voit à présent[7]. Au Ceppo de Francesco di Marco, au-dessus d’un puits dans une cour, se trouve un petit tableau de sa main, avec le portrait dudit Francesco, fondateur de cette pieuse maison[8]. Dans l’église paroissiale de la même ville, il représenta, sur un petit tableau placé au-dessus de l’entrée latérale, saint Bernard

  1. C’est la Nativité du Christ, au Musée du Louvre.
  2. Voir la note à la fin de cette vie.
  3. Le 1er mai 1456.
  4. Il était mort en 1450.
  5. Filippino Lippi, né en 1457.
  6. Il reste de lui une Nativité du Christ placée dans le réfectoire et, depuis, transportée dans la Galerie communale de Prato.
  7. Peinture disparue, l’église ayant été remaniée au XVIIe siècle.
  8. C’est une Vierge, actuellement à la Galerie communale de Prato, peinte en 1453.