Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/449

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Giovanni le surpassât d’abord et qu’ensuite Gentile l’emportât sur Giovanni et sur lui-même[1].

Les premiers ouvrages qui donnèrent de la réputation à Jacopo furent les portraits de Giorgio Cornaro et de Caterina, reine de Chypre[2]; une Passion du Christ qu’il envoya à Vérone[3], renfermant beaucoup de figures et dans laquelle il introduisit son propre portrait ; enfin une Histoire de la Croix qui, dit-on, est aujourd’hui dans l’école de San Giovanni Evangelista[4], toutes œuvres qui furent peintes, ainsi que d’autres, par Jacopo avec l’aide de ses fils. La dernière est sur toile, comme cela a été presque toujours l’habitude des Vénitiens, qui peignirent rarement, comme on le fait autre part, sur des panneaux en bois d’aubier ou de peuplier blanc, arbres qui poussent le long des cours d’eau et dont le bois est vraiment très doux et excellent pour peindre dessus, parce qu’il reste très solide une fois mastiqué dans les joints. Mais, à Venise, on ne fait point de ces panneaux, ou si, par hasard on en fait, on n’emploie que le sapin dont cette ville est abondamment pourvue parce que l’Adige en amène, en abondance, de l’Allemagne, sans parler de celui que fournit l’Esclavonie. Ainsi, on a coutume, à Venise, de peindre sur toile, soit parce qu’elle ne peut se fendre ou devenir vermoulue, soit parce qu’elle se prête à toutes les dimensions, soit enfin parce que les tableaux sur toile peuvent être transportés où l’on veut, sans difficulté ni dépense.

Quoiqu’il en soit Jacopo et Gentile firent leurs premières œuvres sur toile et à cette Histoire de la Croix, Gentile ajouta sept ou huit tableaux[5] où il représenta le miracle de la Croix qui est conservé comme relique dans l’école susdite et dont voici l’histoire. Cette relique étant tombée, je ne sais comment, du haut du Ponte della Paglia dans le canal, quantité de gens, poussés par la vénération qu’ils portaient au bois de la Croix de Jésus-Christ, se jetèrent à l’eau pour la retirer ; mais la volonté de Dieu fut que personne n’était digne de pouvoir la retrouver si ce n’est le frère gardien de cette école[6]. Gentile donc représenta cette histoire et traça, en perspective, sur le

  1. Gentile était l’aîné.
  2. Peintures perdues.
  3. C’était une fresque, détruite au XVIIIe siècle.
  4. N’existe plus.
  5. Il en reste deux sur toile, dont celui sous-mentionné, à l’Académie des Beaux-Arts de Venise.
  6. Il s’appelait Andrea Vendramino.