Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/47

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à nous rendre. Mais ce qui surpasse toute merveille, c’est la voûte d’une des trois tribunes de la même église de Saint-Pierre, qui est faite de la même pierre, et dont les claveaux sont assemblés de manière que non seulement la stabilité de cette construction est entièrement assurée, mais encore que cette voûte vue du sol, paraît être d’un seul morceau.

Voici une autre sorte de pierre, qui tire sur le noir, et dont les architectes ne se servent que pour couvrir les toits. Ce sont des plaques très minces, que le temps et la nature produisent par stratifications pour les besoins des hommes[1]. On en fait aussi des bassins, en faisant entrer les stratifications de ces plaques les unes dans les autres, et l’on peut y conserver de l’huile sûrement et en quantité plus ou moins grande suivant leur capacité. Cette pierre se trouve sur la côte de Gênes, dans un endroit que l’on appelle Lavagna, et l’on en tire des plaques longues de dix brasses. Les peintres s’en servent pour peindre dessus à l’huile, c’est un genre de peinture qui se conserve beaucoup plus longtemps que sur les autres matières, comme nous le dirons en son temps, dans les chapitres de la peinture. On peut en dire autant d’une pierre appelée par les uns piperno et par beaucoup d’autres peperigno (le pépérin). C’est une pierre noirâtre et spongieuse comme le travertin, que l’on extrait dans la campagne de Rome, et dont on fait des jambages de fenêtres ou de portes, en plusieurs endroits, tels qu’à Naples et à Rome. Elle sert encore aux peintres qui y peignent à l’huile, comme nous le dirons en son temps. C’est une pierre sèche et que l’on dirait grillée.

On extrait pareillement, en Istrie une pierre blanc livide, qui se laisse fendre très facilement. On s’en sert plutôt que de toute autre, non seulement dans la ville de Venise, mais encore dans toute la Romagne, pour tous les travaux tant rectangulaires que de sculptures d’ornement. On la travaille avec des instruments et des outils spéciaux, plus longs que les ordinaires, particulièrement avec certains marteaux, en ayant soin de suivre le fil de la pierre, car elle est très cassante. Une grande quantité de cette sorte de pierre a été mise en œuvre par Messer Jacopo Sansovino qui a construit, à Venise, le bâtiment dorique de la Panatteria et le bâtiment toscan de la Zecca, sur la place de Saint-Marc. C’est ainsi que tous les travaux d’ornement, portes, fenêtres, chapelles et autres qui ont été faits dans cette ville, sont dans cette pierre, bien qu’il y ait eu toute commodité pour faire

  1. Il s’agit de l’ardoise.