Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/492

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côté du Christ : celui-ci, avec une extrême bienveillance, lève le bras et ouvre sa robe pour détruire les doutes de son disciple incrédule. Il présente toute la grâce et la divinité, pour ainsi dire, que l’art peut donner à une figure. En revêtant ces deux figures de draperies très belles et bien appropriées, Andrea montra qu’il entendait cet art aussi bien que Donato, Lorenzo et les autres qui avaient travaillé avant lui. Aussi son œuvre mérita-t-elle d’être placée dans un tabernacle construit par Donato, et d’être toujours tenue depuis en haut prix et en grande estime.

La renommée d’Andrea ne pouvant monter plus haut ni s’accroître dans cet art, en homme à qui il ne suffisait pas d’être excellent dans une seule partie, il se tourna vers la peinture et fit les cartons d’une bataille de figures nues, dessinées à la plume et destinées à être peintes sur une paroi. Il fit pareillement les cartons de quelques tableaux et commença à les exécuter en couleurs ; mais quelqu’en soit la cause, ces tableaux restèrent inachevés. Parmi d’autres dessins, il y a quelques têtes de femmes, avec des physionomies et des coiffures que Léonard de Vinci imita toujours, à cause de leur beauté, et deux chevaux, représentés de manière à pouvoir être agrandis avec toutes leurs proportions exactes et sans aucune erreur[1]. Il fit encore, pour Laurent de Médicis et pour la fontaine de la villa Careggi, un enfant, en bronze, qui étrangle un poisson ; le duc Cosme l’a fait placer sur la fontaine qui est dans la cour de son palais ; cet enfant est vraiment merveilleux[2].

Lorsque la coupole de Santa Maria del Fiore fut achevée, on résolut, après de nombreuses discussions, de faire la boule en cuivre qui devait être placée au sommet de l’édifice, d’après le projet laissé par Filippo Brunelleschi. Andrea, qui en fut chargé[3], la fit haute de quatre brasses, et, la posant sur un bouton, l’enchaîna de telle manière qu’on put y fixer avec sécurité la croix. Cet objet terminé fut mis en place avec une belle solennité, à la grande joie du peuple. Il est certain qu’il fallut y consacrer beaucoup de soin et de jugement, parce qu’il était nécessaire de ménager une entrée dans la boule et de l’armer avec assez de solidité pour que les vents ne pussent l’ébranler[4]. Comme Andrea ne restait jamais sans rien faire et qu’il travaillait toujours à quelque œuvre de peinture ou de sculpture, il passait quelquefois d’une

  1. Plusieurs dessins au Louvre et au château de Chantilly.
  2. Actuellement dans la cour du Palazzo Vecchio.
  3. Le 10 septembre 1468
  4. Posée en 1471, cette boule fut jetée à terre par la foudre, dans la nuit du 17 janvier 1600, et remplacée, en 1602, par une plus grande.