Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme une musique harmonieuse et délicate est agréable à l’oreille. Certaines parties des figures doivent se perdre dans les noirs et les fonds du tableau ; si, en effet, elles apparaissaient trop vives et trop ardentes, elles nuiraient à la perspective, et, d’autre part, restant dans l’obscurité et éteintes comme les fonds, elles donnent d’autant plus de vigueur aux figures qui sont devant elles. On ne saurait croire combien, en variant les couleurs des chairs, en donnant des teintes plus fraîches aux jeunes gens qu’aux vieillards, en réservant le jaunâtre et le verdâtre aux personnes d’âge moyen, combien, dis-je, on donne de grâce et de beauté à l’œuvre, à peu près de la même manière qu’on opère dans le dessin pour différencier les têtes des vieilles femmes et des jeunes, des petites filles et des enfants. En faisant une figure tendre et joufflue, l’autre brillante et fraîche, on obtient des contrastes d’un rapport parfait. On doit donc, pendant l’exécution du tableau, mettre les foncés dans les parties où ils blessent moins l’œil et ne font pas de disparate, pour servir de repoussoir aux figures ; c’est ce que l’on voit dans les figures de Raphaël d’Urbin et d’autres peintres excellents, qui ont pratiqué cette manière. Mais on ne doit pas employer cette disposition dans les tableaux où l’on représente l’éclairage du soleil ou de la lune, de feux enflammés ou de scènes nocturnes, parce qu’ils nécessitent des ombres portées vigoureuses et crues, comme on en voit dans la réalité. Au sommet du tableau où règne une pareille lumière, il devra y avoir toujours de la douceur et de l’unité dans la couleur. Dans les peintures qui renferment de pareilles parties, on reconnaîtra que Tintelligence du peintre, s’aidant de l’unité du coloris, a conservé la bonté du dessin, donné de la grâce à la peinture, ainsi que du relief et une vigueur extrême aux figures.


Chapitre V. — De la peinture sur mur ; comment on l’exécute, et pourquoi on l’appelle travail à fresque.


De tous les procédés qu’emploient les peintres, la peinture sur mur est la plus belle et la plus magistrale ; elle consiste, en effet, à faire, en un seul jour, tout ce que, dans les autres modes de peinture, on peut retoucher, en plusieurs jours, le travail une fois fait. La fresque était très employée par les Anciens, et les premiers peintres modernes l’ont ensuite pratiquée. On l’exécute sur de la chaux qui soit fraîche, et on ne l’abandonne pas, tant que n’est pas terminée la partie du travail qu’on s’est fixée pour la journée. En effet, si on s’attardait à la peindre, il se formerait sur la chaux comme une