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panneaux, ils employaient des couleurs minérales, qui sont en partie créées par les chimistes, et en partie extraites de la mine. Pour cette espèce de travail, toutes les couleurs sont bonnes, sauf le blanc que l’on emploie pour peindre sur un mur enduit de chaux, et qui serait trop fort. C’est de cette manière qu’étaient exécutées leurs œuvres et leurs peintures, et ils appelaient ce procédé peinture à détrempe. Seuls les bleus étaient délayés dans de la colle animale, parce que le jaune d’œuf les ferait devenir verts, tandis que la colle les maintient dans leur couleur naturelle, ce que fait également la gomme. Le même procédé s’applique aux panneaux plâtrés et à ceux qui ne le sont pas. Il en est de même des murs secs ; on y étend une ou deux couches de colle chaude, et ensuite on exécute la peinture avec des couleurs délayées dans cette colle. Celui qui voudrait délayer des couleurs dans de la colle le ferait aussi facilement en suivant le procédé qui a été indiqué pour la détrempe. Les couleurs n’en sont pas plus mauvaises pour cela, et l’on a vu de la main de nos anciens maîtres des peintures à détrempe qui se sont conservées des centaines d’années, avec une beauté et une fraîcheur extrêmes. Certes, on voit encore des œuvres de Giotto, dont quelques-unes sont sur panneau, qui ont plus de deux cents ans d’existence, et qui se sont très bien conservées. La peinture à l’huile est venue ensuite, qui a fait mettre de côté, par quantité de peintres, le procédé de la détrempe, bien qu’aujourd’hui on voit encore des panneaux et d’autres œuvres d’importance qui ont été peints et que l’on peint encore continuellement dans cette manière.


Chapitre VII. — De la peinture à l’huile sur panneau et sur toile.


Ce fut une admirable invention, et une grande commodité pour l’art de la peinture, d’avoir trouvé le coloris à l’huile. Le premier inventeur dans les Flandres fut Jean de Bruges[1], qui envoya le tableau, à Naples, au roi Alphonse, et au duc Frédéric II d’Urbin, celui qui est dans la salle de bains. Il fit un saint Jérôme qui appartint à Laurent de Médicis, et quantité d’autres œuvres estimées. Vinrent après lui Roger de Bruges, son élève, et Ausse[2], élève de Roger, qui peignit pour les Portinari un petit tableau qui, après avoir été à

  1. Aujourd’hui il est hors de doute que la peinture à l’huile était connue avant Jean Van Eyck.
  2. Il s’agit de Hans Memling