Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/100

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Paul[1], mais il ne réussit pas aussi bien dans ce milieu qu’à Florence. Frappé d’étonnement à la vue de tant de chefs-d’œuvre anciens et modernes, il prit une si grande défiance de son talent, qu’il se hâta de partir, confiant à Raphaël le soin de terminer le tableau de saint Pierre, qui fut donné à Fra Mariano lorsqu’il eut été entièrement retouché par l’incomparable Sanzio.

Il revint à Florence où, souvent, il avait été critiqué comme ne sachant pas peindre le nu. Il voulut donc montrer qu’il était apte à toute partie de son art autant que n’importe qui, et fit, comme preuve, un tableau représentant saint Sébastien nu[2], avec un coloris semblable à celui des chairs, une douceur de figure et une beauté correspondant à celle de la personne, en un mot si bien réussi que tous les artistes s’accordèrent à le louer. On raconte que, tandis que ce tableau était exposé dans l’église les frères, ayant appris dans leurs confessionnaux que plusieurs femmes avaient été induites en tentation par la vue de la trop séduisante imitation de la nature, retirèrent le tableau de leur église et le mirent dans le chapitre où il ne resta pas longtemps, car il fut acheté par Giovan Batista della Palla, et envoyé au roi de France. Fra Bartolommeo s’était fâché un jour contre les menuisiers qui faisaient les cadres de ses tableaux, parce que, de même que nos ouvriers d aujourd’hui, ils couvraient avec les montants à peu près un huitième de la toile. Il chercha donc un moyen de ne plus mettre d’ornements à ses tableaux, fit cintrer le panneau de son saint Sébastien, y figura une niche en perspective que l’on croirait creusée dans le bois et plaça ensuite tout autour des corniches peintes. Il se servit du même procédé pour notre saint Vincent et le saint Marc. Le saint Vincent prêchant sur le Jugement dernier est peint à l’huile et sur bois, au-dessus de l’arc d’une porte qui conduit à la sacristie du couvent de San Marco[3]. Dans son attitude et particufièrement dans la tête, on remarque la ferveur et l’exaltation des prédicateurs qui, pour ramener à la vertu les hommes plongés dans le vice, les menacent de la justice de Dieu.

Ayant entendu dire que sa manière était mesquine, il voulut prouver qu’il savait faire les grandes figures, en exécutant, sur la façade de la porte du chœur, une figure de saint Marc l’évangéliste[4] de cinq

  1. Les cartons sont à l’Académie des Beaux-Arts à Florence ; les tableaux au Quirinal.
  2. Actuellement chez M. Alaffre, à Pézenas ; peint en 1515.
  3. Actuellement à l’Académie des Beaux-Arts.
  4. Actuellement au palais Pitti.