Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/122

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tableaux[1] qui tiennent à la fois de la manière de Pietro et de celle bien supérieure que lui-même adopta ensuite ; ces peintures sont encore aujourd’hui chez les héritiers de Taddeo. Raphaël contracta encore une grande amitié avec Lorenzo Nasi, qui venait de prendre femme ; il peignit pour lui un tableau[2] où l’on voit la Vierge tenant entre ses jambes l’Enfant Jésus, auquel le petit saint Jean tend un oiseau, à la grande joie de l’un et de l’autre. Dans leur attitude, on remarque une simplicité enfantine et aimable, outre qu’ils sont si bien peints et exécutés avec tant de soin qu’ils paraissent être de chair vive plutôt que dessinés et peints. La Vierge a de même une expression pleine de grâce et de divinité ; tout, enfin, jusqu’au paysage et au reste de la peinture, est de la plus grande beauté. Ce tableau a toujours été conservé avec une grande vénération par Lorenzo Nasi, tant qu’il vécut, en mémoire de Raphaël, son intime ami, aussi bien que pour la beauté de l’œuvre. Malheureusement, le 17 novembre 1548[3], un éboulement du Monte San Giorgio engloutit, avec toutes les magnifiques habitations des héritiers de Marco del Nero, le palais de Lorenzo Nasi et plusieurs bâtiments voisins ; on retrouva cependant, parmi les décombres, les morceaux du tableau de Raphaël, et Batista, fils de Lorenzo, les fit rejoindre et rajuster entre eux le mieux qu’il fut possible.

Après cette œuvre, Raphaël fut forcé de quitter Florence et d’aller à Urbin, où la mort de son père et de sa mère[4] laissait toutes ses affaires à l’abandon. Pendant son séjour dans cette ville, il fit pour Guidobaldo da Montefeltro, alors capitaine des Florentins[5], deux petites Vierges très belles, peintes dans sa seconde manière, qui sont actuellement chez Guidobaldo, duc d’Urbin[6]. Il fit pour celui-ci un petit tableau du Christ au Mont des Oliviers, avec, dans le lointain, les trois Apôtres dormant[7]. Cette peinture est d’un tel fini, qu’une miniature ne saurait être plus parfaite. Lorsqu’il eut mis en ordre ses affaires il retourna à Pérouse où il fut chargé de trois grands ouvrages. Le premier, dans l’église des Servi, est un tableau placé dans la chapelle

  1. La Madone du jardin, au Musée de Vienne, datée MDVI, et la Madone d’Orléans, actuellement dans la collection Bridgewater, à Londres.
  2. La Madone du Chardonneret, aux Offices.
  3. Le 12 novembre 1547.
  4. Ils étaient morts bien avant.
  5. De 1495 à 1498.
  6. Une est actuellement à l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg, et l’autre à Chantilly.
  7. Collection Woodburn, à Londres, actuellement à la Galerie Nationale, à Londres ; copie de l’original perdu.