Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/140

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Certes, en ce qui concerne les peintures, les stucs, l’ordre et les compositions, on ne saurait faire ni imaginer œuvre plus belle. Aussi Raphaël fut-il chargé de la direction de tous les travaux de peinture et d’architecture que l’on faisait dans le palais. On raconte que sa bonté était telle que les maçons, pour qu’il pût obliger quelques-uns de ses amis, ne construisirent pas la muraille pleine et continue, mais laissèrent, au-dessus des anciennes chambres d’en bas, des vides et des ouvertures pour pouvoir y placer des tonnes, des conduits et des bois, et on se trouva forcé de remplir plus tard ces vides, qui affaiblissaient tellement le bas de l’édifice qu’il commençait à se crevasser de toutes parts. Il fit faire par Gian Barile, pour toutes les portes et les plafonds de bois, quantité de choses sculptées et terminées avec une grâce extrême.

Il donna des dessins d’architecture pour la Vigne du pape[1] et pour plusieurs maisons du Borgo, entre autres le palais de Messer Giovan Batista dall’Aquila, qui est une œuvre admirable[2]. Il en dessina encore unpour l’évêque de Troja, qui le fit exécutera Florence, dans la Via San Gallo[3]. Puis il peignit, pour les moines noirs de San Sisto, à Plaisance, le tableau du maître-autel représentant la Vierge entre saint Sixte et sainte Barbe, œuvre vraiment rare et admirable[4]. Pour la France, il fit plusieurs tableaux, et, particulièrement pour le roi, un saint Michel combattant avec le démon[5], que l’on regarde comme une chose merveilleuse. Il y a représenté une roche brûlée dans les entrailles de la terre, dont les crevasses laissent échapper des flammes sulfureuses qui jettent les teintes les plus variées sur les membres de Lucifer brûlant. Lucifer manifeste la rage et la fureur de son orgueil envenimé contre celui qui s’acharne sur l’ange privé du royaume de paix et condamné aux peines éternelles. Le contraire se voit dans saint Michel qui, revêtu d’une armure d’or et de fer, joint à son air céleste un caractère de force et de courage qui imprime la terreur, ayant jeté Lucifer à la renverse, à l’aide de sa lance. Cette œuvre est si remarquable qu’elle lui valut, de la part du roi, une honorable récompense. Il fit ensuite plusieurs portraits de femmes, entre autres ceux de sa maîtresse et de Béatrix de Ferrare[6].

  1. Villa Madama, actuellement en ruines.
  2. N'existe plus.
  3. Palais Pandolfini.
  4. Madone de saint Sixte, au Musée de Dresde.
  5. Au Musée du Louvre, signé : RAPHAEL. VERBINAS. PINGEBAT. MDXVIII.
  6. Portrait inconnu, peut-être d’une courtisane de Rome.