Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/182

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choses, un tableau[1] que Filippo Spini conserve aujourd’hui avec grande vénération, en mémoire d’un si grand artiste.

Peu de temps après, à San Gallo, dans l’église des frères Eremitani Osservanti, de l’ordre de Saint-Augustin, hors la Porta a San Gallo, on lui donna a faire, pour une chapelle, un tableau du Christ, quand il apparaît en jardinier à Marie-Madeleine[2] ; cette œuvre, pour son coloris et une certaine morbidesse, est harmonieuse et douce dans son ensemble, et elle fut cause que, peu de temps après, il en fit deux autres[3] pour la même église. Ces trois ouvrages sont aujourd’hui à San Jacopo tra Fossi[4] au coin agli Alberti. Ces œuvres terminées, Andrea et le Francia partirent de la Piazza del Grano et prirent un nouvel atelier à la Sapienza, près du couvent della Nunziata ; il arriva qu’Andrea et Jacopo Sansovino, encore très jeune, qui travaillait en sculpture dans le même endroit, sous la direction d’Andrea Contucci, se lièrent d’une si étroite amitié qu’ils ne se quittaient ni le jour ni la nuit. Presque toutes leurs conversations roulaient sur les difficultés de l’art ; aussi n’est-il pas étonnant qu’ils soient devenus l’un et l’autre des maîtres excellents.

Il y avait à cette époque, dans le couvent des Servi, un sacristain chargé des cierges, nommé Fra Mariano dal Canto alle Maccine, qui, à force d’entendre louer Andrea et dire qu’il faisait des progrès merveilleux en peinture, conçut un vif désir qu’il résolut de satisfaire à peu de frais. En simulant le désintéressement, il aborda Andrea qui était un homme doux et bon, et, sous prétexte de lui rendre service, il lui dit qu’il voulait l’aider dans une chose qui lui rapporterait honneur et profit et qui le ferait connaître de telle sorte qu’il serait pour toujours à l’abri de la pauvreté. Déjà maintes années auparavant. Alesso Baldovinetti avait peint une Nativité du Christ dans le premier cloître des Servi, sur la paroi qui est contre la Nunziata, et, de l’autre côté, Cosimo Rosselli avait commencé une scène dans laquelle saint Philippe, fondateur de l’ordre des Servi, prend l’habit, mais il ne l’avait pas terminée, parce qu’il était mort pendant qu’il y travaillait. Le sacristain, désirant grandement voir l’entreprise se continuer, pensa de faire en sorte, pour son avantage, qu’Andrea et le Francia, qui d’amis étaient devenus concurrents, luttassent l’un contre l’autre et fissent chacun une partie du travail ; outre qu’il devait être bien servi, la dépense serait moindre et l’effort produit par

  1. Tableau inconnu.
  2. Actuellement à l’Académie des Beaux-Arts.
  3. Au palais Pitti.
  4. Église supprimée dans le courant du XIXe siècle.