Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/183

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chacun plus considérable. S’en étant donc ouvert à Andrea, il le persuada d’entreprendre cette œuvre, en lui montrant que, cet endroit étant public et très fréquenté, il serait bientôt connu des étrangers, non moins que des Florentins, et qu’ainsi, loin de chicaner sur le prix, loin de se faire prier, il devait plutôt solliciter avec instance ce qu’on avait la bonté de lui offrir ; que, du reste, s’il ne voulait pas s’en charger, on avait sous la main le Francia, qui s’était offert pour se faire connaître, et qui s’en remettait entièrement à lui pour le prix. Toutes ces raisons furent autant de stimulants pour qu’Andréa se décidât à se charger de cette entreprise, d’autant plus qu’il avait peu de caractère ; mais ce que le sacristain lui dit du Francia le détermina surtout et il s’engagea par un écrit qui lui réservait tout l’ouvrage et le préservait de toute concurrence. Le sacristain, ayant ainsi embarqué Andrea et lui ayant avancé quelque argent, voulut qu’il se mit immédiatement à continuer la vie de saint Philippe[1], dont chaque histoire ne devait lui être payée que dix ducats, disant qu’il y mettait du sien et qu’il agissait plus dans l’intérêt d’Andrea que pour l’utilité et les besoins du couvent. S’appliquant donc à cette œuvre avec grande ardeur, en homme qui pensait plus à l’honneur qu’à l’utile, Andrea termina en très peu de temps les trois premières histoires, qu’il découvrit aussitôt. Dans la première, saint Philippe, déjà religieux, habille un pauvre ; dans la deuxième, tandis qu’il réprimande des joueurs qui blasphèment et se moquent du saint, tournant en ridicule ses adjurations, la foudre tombe du ciel, frappe l’arbre sous lequel ils se tenaient, tue deux d’entre eux et inspire aux autres la plus incroyable épouvante. Les uns, se saisissant la tête à deux mains, se précipitent, tout étourdis en avant ; ceux-là prennent la fuite, en poussant des cris ; une femme, mise hors d’elle par le coup de tonnerre et par la peur, se sauve avec tant de naturel qu’elle paraît vraiment vivante. Au milieu de ce fracas, un cheval brise son lien et montre, par la violence de ses soubresauts et de ses mouvements, toute la terreur que peut occasionner un accident imprévu. On voit, par l’ensemble, combien Andrea pensait à la variété des événements qui peuvent se produire, avec des considérations certainement très belles et qui sont nécessaires à quiconque exerce la peinture. Dans la troisième histoire, saint Philippe délivre une femme du démon. Ces peintures attirèrent à Andrea une grande réputation, qui l’encouragea à en faire deux autres à la suite. Dans l’une, saint Philippe mort est entouré par les frères qui le pleurent ; un enfant ressuscite en touchant sa bière. La dernière histoire de ce côté repré-

  1. En 1509.